Mohammed VI dit non à Trump sur Jérusalem

Africain d’appartenance, le souverain chérifien n’en est pas moins président du comité Al-Qods de sauvegarde de Jérusalem et de son héritage religieux et culturel. D’où son opposition affichée à la décision du président américain.

Mais quelle décision de Trump a bien pu conduire le roi Mohammed VI à réagir avec autant de célérité ? C’est que la situation est grave et concerne la décision du président Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël et, par suite, de transférer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem. Dès l’annonce de l’intention de Donald Trump à propos de Jérusalem, le roi Mohammed VI a réagi. Et il a qualité pour le faire puisqu’il est président du Comité Al-Qods de sauvegarde de la ville d’Al-Qods Al-Charif (nom arabe de Jérusalem) et de son héritage religieux et culturel. Pour rappel, le comité Al-Qods est issu de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), qui compte 57 États et plus d’un milliard de personnes.

 

L’entretien avec Mahmoud Abbas

Le souverain chérifien a d’abord eu un entretien téléphonique avec Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne. Il lui a réitéré « la solidarité forte et constante du royaume avec le peuple palestinien frère dans la défense de sa cause juste et de ses droits légitimes, notamment concernant le statut d’Al-Qods Al-Charif ». Il lui a ensuite exprimé sa « réprobation vigoureuse de toute action de nature à compromettre le caractère multiconfessionnel de la ville sainte ou à altérer son statut juridique et politique ».

La lettre à Donald Trump…

Dans un deuxième temps, le roi Mohammed VI a adressé un message au président américain, Donald Trump, dans lequel il fait part de sa « préoccupation personnelle » et de « la grande inquiétude ressentie par les États et les peuples arabes et musulmans ». S’appuyant sur « les spécificités religieuses uniques » de la ville sainte, sur « son identité historique séculaire et sa grande symbolique politique », le souverain chérifien a indiqué qu’Al-Qods doit « demeurer une terre de cohabitation et un symbole de coexistence et de tolérance pour tous ». Et d’attirer l’attention de l’hôte de la Maison-Blanche sur l’impact négatif que ce transfert pourrait avoir sur le processus de paix entre les parties palestinienne et israélienne, et ce, d’autant que « les États-Unis d’Amérique sont l’un des principaux parrains du processus de paix et jouissent de la confiance de toutes les parties ». Avant de préciser au président américain combien le royaume du Maroc est « constamment soucieux d’instaurer une paix juste et globale dans la région conformément aux principes de la légalité et aux résolutions internationales y afférant », le roi Mohammed VI n’a pas hésité à lui repréciser les contours du cadre sur lequel sa décision va avoir un impact très important. « Le Proche-Orient, a-t-il donc dit, vit au rythme de crises profondes, de tensions continues et de périls en nombre qui nécessitent d’éviter tout ce qui est de nature à exacerber les sentiments de frustration et de déception qui font le lit de l’extrémisme et du terrorisme, à porter atteinte à la stabilité précaire dans la région et à amenuiser l’espoir de voir éclore des pourparlers fructueux à même de concrétiser la vision de la communauté internationale sur une solution à deux États. » De quoi attirer l’attention du président américain sur la gravité de sa décision à reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël et à l’inciter à surseoir sa décision.

… avant la condamnation publique

Dans le sillage de la lettre du souverain chérifien, le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale (MAECI) du Maroc a exprimé ce mardi « sa profonde inquiétude et sa vive condamnation de la décision des États-Unis de reconnaître Al-Qods comme capitale d’Israël et de transférer son ambassade à cette ville sainte ». Et d’expliquer qu’« une telle initiative s’inscrit en contradiction flagrante avec la légalité internationale, et plus particulièrement les deux résolutions 2253 et 2254 de 1967 de l’Assemblée générale des Nations unies, ainsi qu’avec les conventions conclues et les ententes entre les deux parties, palestinienne et israélienne ». Pire : le Maroc craint qu’« Israël n’utilise cette décision pour poursuivre sa politique systématique de judaïsation de la ville sainte et effacer ses aspects religieux et spirituels ». En somme, du côté de Rabat, on craint plus que jamais que la boîte de Pandore ne s’ouvre avec cette décision du président américain.

 

Le Point Afrique

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

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