LA OMRA, NOUVELLE DESTINATION À LA MODE ?

(…)Le tourisme en tant que procédé de diversification économique est donc une des pièces maîtresses du programme Vision 2030 du Prince héritier M. ben Salman, qui a pour objectif de préparer le Royaume, plus grande économie arabe, à opérer une transition vers une période post-pétrole en transformant la pétromonarchie wahhabite, au bilan contrasté sur le terrain des droits de l’Homme – et notamment celui de la femme –, en destination attractive non plus pour les seuls pèlerinages mais aussi en destination de vacances.

Pour ce faire, il a fallu redorer l’image du pays, en ayant recours aux meilleures agences de communication internationales mais aussi grâce à un soft powersavamment élaboré, en s’offrant les services d’influenceurs de la télé-réalité, en se payant à coup de millions d’euros de grandes stars du foot telles que C. Ronaldo ou K. Benzema ou en faisant de L. Messi un de ses ambassadeurs touristiques. Les femmes, de leur côté, ne sont pas en reste, puisque des chanteuses de renommée internationale comme Shakira ou encore la très controversée Nicki Minaj (en raison de ses tenues jugées vulgaires), y ont donné plusieurs concerts. Un Royaume qui dit appliquer la charia mais qui dans les faits, ne l’applique pas dans sa pureté et dans sa totalité à toutes les sphères de la vie, dès lors qu’il s’agit de redorer son image.

Ayant entamé un programme de transformation économique du pays, qui ne veut plus compter sur sa rente pétrolière, le Royaume saoudien a, depuis la crise du covid, voulu miser sur la relance du pèlerinage du hajj et de la Omra, puisqu’ils constituent une véritable manne financière qui rapporterait plus de 100 milliards de dollars par an. Et qu’une partie de cet argent serve à financer une guerre longue d’une décennie contre son vaillant voisin yéménite[1]n’a pas entamé les demandes de visas pour le Royaume, qui ont vu leur chiffre exploser. Forte de ce succès, l’Arabie saoudite, et pour se distinguer avantageusement de ses voisins émiratis et qataris, a surfé sur l’attrait que pouvait avoir la Omra, ou petit pèlerinage, sur des millions de musulmans en quête de reconnexion et de tourisme halal. En déployant son offre de tourisme religieux érigé en « produit d’appel », le Royaume adhère pleinement à l’économie néolibérale et s’ancre dans le camp occidental d’une civilisation à caractère matériel déjà bien entamée, prête à sacrifier les vestiges de l’Histoire sur l’autel du confort et du profit.

En effet, plus des deux tiers des sites touristiques, dont certains datent de plus de 1000 ans, ont été détruits pour laisser place à des infrastructures hôtelières de luxe autour des lieux saints (La Mecque et Médine), qui fleurissent un peu partout. N’a-t-on pas vu, par exemple, les maisons du Prophète et de Sayeda Khadija, sa première épouse et mère de ses enfants, être détruites pour laisser place à des toilettes publiques ? Certaines mosquées qui témoignent de la bataille d’al Khandaq n’ont-elles pas été aussi rasées ?

Toujours est-il que le prix du mètre carré (100K€/m2) n’a pas empêché les grandes chaînes hôtelières internationales de luxe (Fairmont, Mövenpick, Hilton ou Pullman) de s’installer aux abords des lieux saints. Et ce luxe, qui se répand partout à proximité de la Kaaba et autour, fait beaucoup pour mettre les sentiments d’élévation et de sérénité dans l’âme des fidèles afin de décupler les émotions, jusqu’à la jouissance des biens matériels. Des biens de consommation qui se déploient dans une offre globale pour satisfaire des fidèles venus des quatre coins du globe et prêts à payer pourvu qu’ils consomment halal au milieu de villes saintes qui ressemblent de plus en plus à s’y méprendre à Las Vegas (…).

Notre dossier de 14 pages consacré au petit pèlerinage Omra est disponible dans la rubrique « Notre offre ».


[1] Les Houtis du Yémen sont les rares arabo-musulmans en dehors de la résistance palestinienne et libanaise, à opposer une lutte armée contre Israël en raison du génocide commis en Palestine occupée.

F. Achouri

Sociologue.

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