Retour sur trois semaines de heurts en Cisjordanie et à Jérusalem

La décision des autorités israéliennes de fermer durant deux jours l’accès de la vieille ville de Jérusalem aux Palestiniens s’inscrit dans un contexte de regain des violences dans la capitale et en Cisjordanie occupée. Les heurts coïncident avec le début des grandes fêtes juives il y a trois semaines.

 

 

  Des Palestiniens lors d'un affrontement avec les forces de sécurité israéliennes, dans un quartier de Jérusalem-Est, le 4 octobre.    Le 13 septembre : des affrontements éclatent sur le site sensible de l’esplanade des Mosquées entre la police israélienne et des Palestiniens, à quelques heures de la célébration de la nouvelle année juive. Quelques jours plus tôt, Israël a déclaré « illégal » le mouvement des mourabitouns, un groupe musulman en grande partie informel qui affirme défendre le lieu troisième lieu saint de l’islam, par ailleurs site le plus sacré du judaïsme, où il est nommé mont du Temple.

Le même jour, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, « condamne fermement l’attaque » contre la mosquée Al-Aqsa : « Nous ne laisserons pas passer des attaques contre nos lieux saints. » Des policiers de l’État hébreu y étaient entrés dans la nuit pour poursuivre « des manifestants masqués », y provoquant plusieurs dégâts matériels. « Jérusalem-Est et les lieux saints chrétiens et musulmans constituent une ligne rouge, nous ne laisserons pas passer [ce type d’actes] », a affirmé M. Abbas.

Le 14 septembre : poursuite des heurts entre jeunes Palestiniens lançant des pierres contre des policiers israéliens qui ripostent par des grenades assourdissantes sur l’esplanade des Mosquées.

Le 15 septembre : alors que les violences à Jérusalem continuent, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, annonce un durcissement des peines contre les lanceurs de pierres.

Le 18 septembre : des affrontements avec l’armée israélienne à Beit Fourik, à l’est de Naplouse, font 51 blessés palestiniens, dont sept par balle. Un Palestinien de 25 ans succombe à ses blessures six jours plus tard.

Le 22 septembre : un Palestinien de 21 ans est tué durant la nuit près de Hébron, dans le sud de la Cisjordanie, par des soldats israéliens, selon la sécurité palestinienne. Tsahal affirme qu’il a trouvé la mort à la suite de la déflagration de l’engin explosif qu’il s’apprêtait à lancer vers un véhicule militaire. Une jeune Palestinienne est blessée dans le même secteur par des tirs alors qu’elle tentait de poignarder un soldat, selon l’armée. Elle succombe à ses blessures. Des milliers de policiers sont déployés dans Jérusalem et la Cisjordanie est fermée pour parer d’éventuelles violences sur et autour de l’esplanade des Mosquées.

Le 24 septembre : Israël élargit l’autorisation de tirs à balles réelles contre les lanceurs de pierres.

Le 27 septembre : de nouveaux heurts éclatent sur l’esplanade des Mosquées au dernier jour des congés de la fête musulmane de l’Aïd el-Kébir.

Le 30 septembre : le président palestinien annonce devant l’ONU que l’Autorité palestinienne ne se sentait plus liée par les textes passés signés avec Israël. Selon Mahmoud Abbas, l’Etat hébreu refuse de respecter les accords d’Oslo, de suspendre la colonisation et de remettre en liberté le « quatrième groupe de prisonniers palestiniens ».

Le 1er octobre : Benyamin Nétanyahou affirme devant les Nations unies qu’Israël est prêt à « reprendre immédiatement » les négociations avec les Palestiniens. En Cisjordanie occupée un couple de colons israéliens circulant en voiture près de la ville de Naplouse est criblé de balles sous les yeux de ses quatre enfants.

 

Le 3 octobre : un Palestinien de 19 ans poignarde mortellement deux Israéliens dans la vieille ville de Jérusalem. L’auteur, présenté comme un de ses membres par le Jihad islamique – deuxième force islamiste palestinienne considérée comme terroriste par Israël –, est abattu par les policiers. Dans la nuit un raid de l’armée israélienne dans le camp de réfugiés de Jénine provoque des affrontements, deux Palestiniens sont sérieusement blessés par balles et seize autres par des balles caoutchoutées.

Le 4 octobre : un Palestinien de 19 ans blesse sérieusement à coups de couteau un passant à Jérusalem-Ouest. Il est abattu par les policiers. Des heurts violents opposent la police à environ 200 jeunes masqués et lançant des pierres à Essaouiya. Israël décide de boucler pour deux jours la vieille ville de Jérusalem aux Palestiniens. Le gouvernement palestinien en appelle à la protection de la communauté internationale, alors que le Croissant-Rouge palestinien fait état de 77 Palestiniens blessés par des tirs israéliens en vingt-quatre heures.

Benyamin Nétanyahou affirme qu’Israël « menait un combat jusqu’à la mort contre le terrorisme palestinien ». De retour de New York, il a convoqué une réunion d’urgence de ses services de sécurité et annoncé une série de mesures parmi lesquelles figurent : un recours plus large aux détentions sans jugement pour les suspects, le renforcement des forces de sécurité à Jérusalem et en Cisjordanie occupée et l’imposition de restrictions à l’accès des « incitateurs » à l’esplanade des Mosquées, qu’il a désigné par l’appellation mont du Temple, conformément à la tradition juive.

L’esplanade des Mosquées cristallise les tensions entre juifs et musulmans

Le site est le troisième lieu saint de l’islam après La Mecque et la mosquée du Prophète à Médine. Les musulmans l’appellent « noble sanctuaire » (Haram Al-Charif). S’y trouvent le dôme du Rocher et la mosquée Al-Aqsa. Selon la tradition juive, sur ce site, existait jusqu’à sa destuction, en 70, par l’Empire romain le deuxième temple, d’où l’appelation du lieu : le mont du Temple.

Après la victoire israélienne au terme de la guerre des Six Jours en 1967, Israël prend le contrôle de Jérusalem-Est et du mont du Temple, administrés par le Waqf, l’office des biens musulmans sous la souveraineté de la Jordanie. Le gouvernement israélien conclut par la suite un accord avec Amman, qui le maintient comme administrateur des lieux de culte.

Aujourd’hui, seuls les musulmans sont autorisés à prier sur ce site, qui est néanmoins accessible aux personnes de confession différente. Les juifs ont le droit de se rendre sur le site à certaines heures et sous stricte surveillance. Toutefois, la police de l’État hébreu continue d’y jouer un rôle de premier plan, surveillant et filtrant les visiteurs selon ses critères de sécurité.

 

 

Le Monde.fr

 

F. Achouri

Sociologue.

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