Défigurée par les jihadistes, Tombouctou retrouve petit à petit son visage

     

 Plus de trois ans après la destruction des mausolées de Tombouctou par les jihadistes, à coups de pioche, de houe et de burin, la cité légendaire du nord-ouest du Mali a repris jeudi possession de ses sanctuaires reconstruits.

C’est au nom de la lutte contre « l’idôlatrie » que le groupe jihadiste touareg malien Ansar Dine les avait démolis. C’est par une cérémonie de sacralisation, avec lecture intégrale du Coran et prière collective, que s’achève la patiente œuvre de réhabilitation, qui s’est appuyée sur le savoir-faire traditionnel des maçons locaux.

« C’est un symbole fort pour la paix », s’est félicité Sane Chirfi, représentant de la famille responsable du mausolée Alpha Moya, l’un des tout premiers à avoir été vandalisés par les jihadistes.

« Les mausolées sont des symboles de rassemblement, de regroupement, parce que parmi les saints de Tombouctou, il y a des saints de toutes les ethnies », a-t-il souligné.

Après le sacrifice rituel de cinq bœufs tôt dans la matinée, la cérémonie, dans la mosquée de Djingareyber, s’est conclue par la remise des clés aux représentants des familles chargées de la gestion des mausolées, en présence de responsables maliens, dignitaires coutumiers et religieux ainsi que de diplomates.

« Ce jour célèbre le remarquable et courageux travail que vous avez accompli pour recouvrer votre dignité », a déclaré le représentant de l’Unesco, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, qui a conduit le projet, Lazare Eloundou.

Pour la population de Tombouctou, qui voue un grand respect aux saints décédés, considérés comme de grands humanistes, des érudits et des personnes pieuses, c’était un pan de la culture malienne qui a été détruit avec la démolition des mausolées.

« Il s’agit de remettre en activité ces monuments-là : que ceux qui avaient l’habitude de les fréquenter puissent revenir se recueillir dans ces mausolées », a expliqué à l’AFP le directeur de cabinet du ministre malien de la Culture, Almamy Ibrahim Koreissi.

Afin de restaurer les monuments en reproduisant l’original, les restes des murs ont été récupérés. Les anciennes photos ont été consultées et, la tradition culturelle se transmettant généralement de bouche à oreille, des personnes âgées ont été interrogées avant et pendant les travaux.

‘Rempart de la ville’

Ancienne cité marchande prospère, Tombouctou a été un grand centre intellectuel de l’islam. Selon l’Unesco, qui l’a classée au Patrimoine mondial de l’humanité en péril, elle compte « 16 cimetières et mausolées qui étaient des composantes essentielles du système religieux dans la mesure où, selon la croyance populaire, ils étaient le rempart qui protégeait la ville de tous les dangers ».

Quatorze de ces mausolées de saints musulmans avaient été détruits par des groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, qui ont dicté leur loi dans cette région de mars-avril 2012 jusqu’au déclenchement, en janvier 2013, d’une opération militaire internationale à l’initiative de la France, qui se poursuit actuellement.

Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères.

La réhabilitation des mausolées a été achevée sur le plan architectural en septembre 2015, le même mois que la première comparution devant la Cour pénale internationale (CPI) d’un suspect, Ahmad Al Faqi Al Mahdi, membre d’Ansar Dine, accusé d’avoir dirigé les dégradations contre neuf mausolées et une mosquée.

La directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova, qui avait indiqué lors de sa visite en juillet 2015 avoir saisi la CPI, a mis en garde contre les menaces qui demeurent, dans un message lu en son nom par Lazare Eloundou.

« Des difficultés persistent et les dangers n’ont pas disparu, nous le savons. Mais ces bâtiments debout sont la preuve irréfutable que l’unité est possible, que la paix est plus forte, que nous y sommes arrivés et que nous pouvons le refaire », selon ce message.

Cette cérémonie « témoigne de la richesse spirituelle de cette ville qui est un phare pour la paix », affirme Mme Bokova, « dans cet effort, nous avons reconstruit davantage que des monuments, nous avons tissé des liens d’amitié que rien ne pourra défaire ».

 

RTBF.be

F. Achouri

Sociologue.

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