Le troisième forum islamo-chrétien appelle les jeunes à ne pas être « naïfs »
Une soixantaine de participants – musulmans et chrétiens – se sont retrouvés le week-end du 30 novembre au domaine Saint-Joseph à Lyon pour ce troisième forum consacré à la « transmission de la foi »
Réunis pendant trois jours au domaine Saint-Joseph à Lyon pour le troisième Forum islamo-chrétien, une soixante de responsables musulmans et chrétiens – parmi lesquels le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, Mgr Michel Dubost, évêque d’Evry et président du conseil pour les relations interreligieuses de la Conférence des évêques de France, des représentants du Conseil français du culte musulman, de la Grande mosquée de Paris ou encore le cheikh Khaled Bentounès – ont signé dimanche 1er décembre une « Lettre ouverte aux jeunes » : « À vous, jeunes croyants en Dieu, nous disons : “Ne soyez pas naïfs ! Soyez vigilants ! Dans l’épreuve, restez en accord avec vos valeurs humaines et fidèles à votre foi. Vous appuyant sur la fidélité de Dieu, soyez artisans de paix” ».
S’ils constatent que « se développent des propos radicaux, intégristes et haineux », mais aussi « des violences, des atteintes graves au respect des personnes et aux symboles de nos valeurs républicaines et spirituelles », ils ont tenu à redire dans cette missive leur volonté de construire « un meilleur vivre-ensemble dans une société pluriculturelle et multiconfessionnelle ». Un appel qui ne s’adresse d’ailleurs pas seulement aux croyants, mais à tous les jeunes afin qu’ils soient « des citoyens responsables », qu’ils « exercent (leur) liberté de manière active et réfléchie », et travaillent « à tisser des liens dans le respect des valeurs qui fondent notre République ».
Transmission de la foi
La transmission de la foi était donc au menu de cette troisième édition du forum islamo-chrétien, lancé en 2010 par le P. Vincent Féroldi, délégué aux relations avec l’islam dans le diocèse de Lyon, et Azzedine Gaci, recteur de la mosquée Othmane à Villeurbanne (Rhône) et qui a réuni au total une soixantaine de participants venus de toute la France, prêtres, imams et responsables en pastorale, parmi lesquels une dizaine de femmes des deux religions.
Compte tenu du thème retenu cette année, des jeunes eux-mêmes y ont été conviés : deux chrétiens, parmi lesquels une jeune femme membre de l’association de dialogue interreligieux Coexister et un chef scout, ainsi que deux musulmans, eux aussi engagés dans le monde associatif.
Chaînes satellitaires et Internet
Cinq grandes villes – Nice, Marseille, Tours, Lille et Lyon – ont fait l’objet d’un « focus » détaillé. Puis des ateliers ont été consacrés aux « moyens » de cette transmission – des plus classiques aux plus modernes comme Internet, les réseaux sociaux et les chaînes de télévision satellitaire – ainsi que sur son « contenu ». « La question au fond est ‘que veut-on transmettre’, quelle inculturation en France, et de quels mots dispose-t-on pour cela », a résumé Vincent Feroldi.
« Chacun a exposé la manière dont s’opère cette transmission dans sa religion », fait valoir Azzedine Gaci, « et donc pour nous au sein de la famille, de la mosquée avec le prêche et l’école coranique, via les livres mais aussi de plus en plus Internet ». Un micro-trottoir filmé dans les rues de Marseille a montré que la famille élargie reste la première sollicitée par les jeunes sur des questions religieuses, mais qu’Internet arrive juste après.
« C’est un problème pour nous musulmans et nous y avons donc consacré beaucoup de temps pendant ces trois jours », reconnaît l’imam de Villeurbanne. « Les banques de fatwas se multiplient et certains jeunes les utilisent sans recul, sans savoir qui est derrière. Nous avons redit que ces techniques nouvelles sont importantes – il ne suffit pas d’en avoir une approche alarmiste – mais que nous devons apprendre à nos enfants à savoir y pêcher. Chacun repart dans sa ville, sa mosquée ou son diocèse avec quelques idées pour aller dans le sens du vivre-ensemble ».
Liberté de parole
Au-delà, ce forum annuel reste une occasion de retrouvailles appréciée de ses participants. « Tout le monde se sent bien ici et est ravi de se retrouver, d’autant qu’entre musulmans, c’est parfois un peu difficile par ailleurs », reconnaît Azzedine Gaci. À tel point que se pose désormais la question de la « démultiplication » de l’initiative. « Nous aimerions garder un rendez-vous national à l’automne à Lyon, mais organiser aussi deux ou trois rencontres décentralisées pendant l’année », explique le P. Feroldi.
En revanche, l’idée d’une institutionnalisation du forum, sous la forme associative, a été massivement rejetée, les participants préférant lui garder son caractère « informel », de « partage d’expériences », gage de son succès aux yeux de ses initiateurs. « Il y a trois ans et demi, nous avons senti le besoin de sortir de l’institutionnel pour retrouver une parole plus libre », rappelle le délégué du diocèse de Lyon. « Il est amusant de constater que les institutions nous ont finalement rejoints mais leurs responsables viennent là pour trouver un dialogue de croyant à croyant. Ils nous ont tous dit : ‘nous n’avons pas d’autres occasions comme celles-ci, alors continuez !’ »
Source : La Croix