Les évêques de Centrafrique s’alarment de la situation de leur pays

Les évêques de Centrafrique ont adressé un message « aux chrétiens et aux hommes de bonne volonté » au terme de leur session ordinaire qui s’est tenue jusqu’à dimanche 23 juin à Bimbo, au sud-ouest de Bangui. Dans ce message inquiet, ils s’alarment de la situation dans le pays où la rébellion Séléka a pris le pouvoir fin mars. Les évêques évoquent notamment « la grande souffrance de la population » qui subit « une énième escalade de violence politico-militaire ».

« Jamais l’on n’a connu sur notre terre un conflit aussi grave dans son ampleur et dans sa durée, écrivent-ils. Jamais aucun trouble militaro-politique ne s’était disséminé avec autant de violences et d’impacts sur l’ensemble de notre territoire. Jamais une rébellion ne nous a drainés une aussi forte présence de combattants étrangers. Jamais une crise ne nous a fait courir un aussi grave risque de conflit religieux et d’implosion du tissu social. »

« Quel héritage allons-nous léguer à la génération montante ? »

Les évêques centrafricains évoquent les différents plans sur lesquels leur pays est atteint. Sur le plan social, « on n’a pas fini de dresser le bilan en termes de perte de vies humaines, de viols, de pillages, de villages incendiés, de destruction de champs, de violation et spoliation de domiciles privés, des familles illégalement expropriées de leurs maisons qui sont occupées de manière indue par un homme fort ou une bande armée, écrivent-ils. Le tissu social a été complètement déchiré. Les valeurs et repères sociaux ont été travestis. Le peuple a été soumis à un énorme traumatisme dont les conséquences sont manifestes dans les cas de suicides et de dépressions. »

Sur le plan économique, « jamais une crise n’avait engendré une destruction aussi systématique et programmée de ce qui restait du faible tissu industriel et économique du pays. Quel héritage allons-nous léguer à la génération montante ? », s’interrogent-ils.

« L’unité du peuple centrafricain est mise à rude épreuve »

Sur le plan politico-administratif, « que se cache-t-il derrière cette volonté de destruction et d’annihilation de la mémoire nationale ? », demandent les évêques, évoquant la destruction des archives de l’administration. Sur le plan éducatif et scolaire, « le risque d’une année blanche est réel », dénoncent-ils.

Sur le plan sécuritaire et militaire, « l’armée nationale et républicaine a cédé le pas à un agrégat de factions en mal de cohésion, manquant d’éthique et de déontologie professionnelles » qui « continuent à se comporter en rebelles », défiant « toute hiérarchie » et donnant « uniquement allégeance à “leur chef militaire”, ils prennent avantage des armes en leur possession pour imposer leurs lois ».

Sur le plan religieux et cultuel, « l’ardeur et la détermination avec lesquelles les éléments de Séléka ont profané des lieux de culte chrétien et se sont pris de manière ciblée aux biens des chrétiens, ont ébranlé les fondements de notre cohésion sociale, écrivent les évêques. L’unité du peuple centrafricain est ainsi mise à rude épreuve surtout à la vue des comportements de complicité que nous déplorons chez certains de nos frères musulmans. »

« Terrassés mais pas anéantis »

Affirmant être « terrassés mais pas anéantis », les évêques centrafricains invitent leurs fidèles « à rendre compte de la foi et de l’espérance » qui les habitent. « Vous ne pouvez plus vivre votre foi aujourd’hui comme vous l’aviez fait par le passé dans la tiédeur et sans ferveur. Les problèmes nouveaux auxquels nous sommes confrontés constituent autant de défis qui vous appellent à un plus grand attachement au Christ et à une plus forte affirmation des valeurs chrétiennes qui nous caractérisent. Nous vous exhortons, vous, en tant que témoins authentiques de l’Évangile, à investir, conformément à votre engagement chrétien, les champs politique, économique et social. (…) L’ordre temporel est à renouveler de telle manière que, dans le respect de ses lois et en conformité avec elles, il devienne plus conforme aux principes supérieurs de la vie chrétienne et soit adapté aux conditions diverses des lieux, des temps et des peuples. Il vous revient donc la gestion du temporel, l’animation de la vie politique et la conduite des affaires publiques. »

Les évêques en profitent pour dénoncer « des pratiques douteuses qui constituent un frein au développement de notre pays et affectent, par ailleurs, notre cohésion sociale », comme le « népotisme », le « régionalisme », le « clientélisme », la « corruption », « l’impunité »…

Les évêques de Centrafrique appellent également à un dialogue interreligieux, invitant leurs fidèles « à ne pas céder à la tentation d’une confrontation avec nos frères musulmans. »

 

Source : La Croix

 

 

F. Achouri

Sociologue.

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