Pourquoi la fête de Pessah parle-t-elle encore à notre monde aujourd’hui ?

Alors que Pessah et Pâques sont fêtées aux mêmes dates en 2025, la fête juive de la sortie d’Égypte nous rappelle que la liberté véritable ne se limite pas à un affranchissement, mais se construit dans une relation vivante à Dieu et aux autres.

Ce samedi 12 avril, des millions de familles juives dans le monde se sont assises autour de la table du Seder pour raconter l’histoire de la sortie d’Égypte. Une tradition millénaire, transmise de génération en génération, qui commence par une invitation simple : « Quiconque a faim, qu’il vienne et mange ».

Mais cette histoire ancienne, célébrée à Pessah, est loin d’être figée dans le passé. Elle continue de parler à notre temps, à nos combats, à notre soif de justice et de dignité.

Isaac Abravanel : une voix pour aujourd’hui

Parmi les grandes figures du judaïsme, Isaac Abravanel (1437-1508) incarne à lui seul l’actualité brûlante de Pessah. Conseiller du roi Ferdinand d’Espagne, il fut témoin, impuissant, de la brutale expulsion des Juifs en 1492. C’est dans cette période d’exil et de douleurs qu’il écrit certains de ses commentaires bibliques les plus profonds.

Dans son œuvre sur les Premiers prophètes, il pose cette question simple mais décisive : « Qu’avons-nous gagné par cette sortie d’Égypte ? ». Et il répond : « Sans elle, nous ne serions pas arrivés au mont Sinaï. Nous n’aurions pas reçu la Torah. La Présence divine n’aurait pas résidé parmi nous ».

Une liberté orientée vers le bien

Ce que nous dit Abravanel, c’est que l’objectif de la sortie d’Égypte n’était pas seulement de briser les chaînes, mais de s’ouvrir à une Parole, à une Loi de vie. Car la véritable liberté ne se réduit pas à faire ce que l’on veut : elle commence quand on choisit de vivre selon une conscience éclairée, dans le respect de l’autre et de Dieu.

C’est ce que souligne cette phrase centrale de la Haggadah : « À chaque génération, tout homme doit se considérer comme s’il était lui-même sorti d’Égypte ». Cette sortie est donc à refaire, chaque année, chaque jour, intérieurement. Comme une libération toujours en chemin.

Une parole qui traverse les âges

Chaque année, Pessah rappelle que l’histoire du salut n’appartient pas seulement au passé. Elle s’actualisedans chaque conscience éveillée, dans chaque cœur en quête de lumière. La bénédiction prononcée avant la lecture de la Torah parle d’un don au présent : « Lui qui donne la Torah », non pas qui l’a donnée.

Cette Parole, vivante et sans cesse renouvelée, reste offerte à toute personne qui choisit de l’écouter, de l’étudier, de la laisser transformer son quotidien.

Une même espérance

En 2025, Pessah coïncide avec la Semaine sainte (du samedi 12 au dimanche 20 avril). Un beau signe, peut-être, pour inviter à redécouvrir les racines partagées, les résonances entre traditions, et ce souffle commun qui fait lever l’espérance.

Comme le disait le philosophe Martin Buber dans son ouvrage Je et Tu, il ne s’agit pas de fuir le monde pour aller vers Dieu, mais bien d’emmener le monde entier dans cette direction. Chaque être humain porte en lui une part de l’univers à élever, une part de vie à ouvrir à l’Autre.

Vers une liberté habitée

Sortir d’Égypte, encore aujourd’hui, c’est quitter ce qui enferme, ce qui réduit, ce qui oppresse. C’est choisir de marcher vers un avenir habité, orienté, éclairé. Une liberté intérieure, non comme un but en soi, mais comme un chemin. Un appel à être pleinement humain, dans la relation, dans l’écoute, dans la responsabilité.

RCF Radio

F. Achouri

Sociologue et consultante en développement des ressources humaines.

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