Le Conseil d’Etat ordonne au gouvernement de revoir la jauge des 30 personnes pour les offices religieux

Le Conseil d’Etat a ordonné au gouvernement, dimanche 29 novembre, de revoir dans les trois jours son décret limitant à 30 personnes le nombre de fidèles autorisés à assister aux cérémonies religieuses.

« Il est enjoint au premier ministre de modifier, dans un délai de trois jours (…) les dispositions [du décret limitant le nombre de fidèles à 30] en prenant les mesures strictement proportionnées d’encadrement des rassemblements et réunions dans les établissements de culte », a ainsi décidé la plus haute juridiction administrative française.

Les commerces « non essentiels » ont rouvert leurs portes samedi, mais le gouvernement a en effet maintenu la jauge en limitant la participation aux cérémonies religieuses à 30 personnes, alors que les catholiques célébraient ce week-end le premier dimanche de l’Avent. Le Conseil d’Etat estime que la jauge de 30 personnes « va conduire, dans de nombreux lieux, à ce que les fidèles ne puissent y participer le jour de la semaine où se déroulent les principales d’entre elles, en dépit de l’augmentation du nombre de ces dernières ».

« Réunion constructive » à Matignon

Quelques heures après cette décision, le premier ministre, Jean Castex, et le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Eric de Moulins-Beaufort, se sont chacun félicités d’une « réunion constructive », dimanche soir à Matignon.

« Le premier ministre a tenu à rappeler que la situation sanitaire actuelle restait préoccupante et conduisait à ne pouvoir appliquer immédiatement les mêmes règles que celles mises en œuvre lors du déconfinement en mai dernier », a déclaré Matignon, en insistant sur la volonté de Jean Castex « de concilier, dans le respect strict de la décision du Conseil d’Etat, le principe constitutionnel de liberté de culte avec la protection sanitaire de nos concitoyens ».

D’autres consultations doivent avoir lieu entre les représentants des autres cultes et le ministère de l’intérieur, afin de mettre en place un nouveau protocole d’ici à mercredi, tel que réclamé par le Conseil d’Etat.

Discriminatoire selon les représentants de l’Eglise

La veille, devant le Conseil d’Etat, les avocats de la CEF avaient dénoncé ce protocole, estimant qu’il s’agissait d’une mesure « non nécessaire, disproportionnée et discriminatoire ». « La liberté du commerce et de l’industrie et la liberté de culte ne sont pas garanties de la même manière », avait ainsi déploré l’un deux, Me Guillaume Valdelièvre.

« L’interdiction des cérémonies religieuses de plus de 30 personnes dans les lieux de culte est manifestement disproportionnée en ce qu’elle ne prend pas en compte la taille des édifices religieux », avait plaidé samedi Me Antoine Delvolvé, un avocat du Conseil d’Etat pour le compte du diocèse de Paris.

« La Fnac des Ternes, à Paris, a mis un panneau : “Vous pouvez être 604 dans le magasin.” Or ce magasin est plus petit que Saint-Sulpice. Voilà une discrimination qui saute aux yeux », avait-il affirmé. « Si Saint-Sulpice avec ses 6 170 m2 ne peut accueillir que 30 personnes, cela fait 205 m2 par personne alors qu’on est à 8 m2 pour les commerçants », avait réagi pour sa part Franck Bouscau, représentant de l’association Civitas.

La Conférence des évêques de France a estimé dans un communiqué dimanche après la décision que « le droit avait ainsi été rétabli et la raison reconnue ». « Elle forme cependant le vœu que le recours judiciaire reste l’exception dans le dialogue avec les autorités de notre pays », ajoute-t-elle.

Pas de « stigmatisation »

Pascale Léglise, représentante du ministère de l’intérieur, avait tenté de désamorcer les critiques samedi. Selon elle, la France n’est « pas la seule » à avoir pris ce type de mesure. Elle nie donc toute « stigmatisation » des croyants de la part du gouvernement français.

Le Monde

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

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