Les actes antireligieux en nette hausse en 2019

La forte hausse des actes antireligieux dans l’Hexagone en 2019 alarme le ministère de l’Intérieur, qui dénonce une atteinte aux fondements du pacte républicain.

Dans le cadre du plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, le ministère de l’Intérieur publie en chaque début d’année les données chiffrées des faits à caractère antireligieux, racistes ou xénophobes recensés en France au cours de l’année précédente. En 2019, ce sont ainsi 687 faits antisémites qui ont été recensés, contre 541 en 2018 et 311 en 2017 – une hausse de 27 % en un an et de 121 % en deux ans. Si les « menaces » (propos, écrits ou gestes menaçants) se trouvent en hausse de 50 % par rapport aux chiffres de 2018, les « actions » (atteintes aux personnes et aux biens) continuent cependant de diminuer, étant passées de 183 en 2018 à 151 en 2019. Les atteintes directes aux personnes, elles aussi, sont sur une courbe descendante, ayant reculé de 44 % en un an.

Bien que moins nombreux, les actes antimusulmans ont cependant aussi connu une augmentation de moitié, passant de 100 faits en 2018 (leur plus bas niveau depuis 2010) à 154 en 2019, principalement menés à l’encontre de biens religieux.

Les faits antichrétiens, enfin, se révèlent relativement stables, soit 1038 actes en 2017, 1063 en 2018 et enfin 1052 en 2019. Une fois encore, ce sont les biens qui sont le plus visés. Si les actes antichrétiens représentent 55 % du total des actes antireligieux, les églises et temples chrétiens représentent cependant 95 % de l’ensemble des lieux de culte des trois religions monothéistes, selon des chiffres avancés par le Sénat en 2015.

D’où viennent donc les informations du ministère ? Les sources utilisées sont en réalité aussi variées que différentes.

Pour le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, et son secrétaire d’État, Laurent Nunez, chacun de ces actes, quelle que soit sa forme, constitue « une atteinte intolérable à notre projet commun, aux fondements de notre pacte social et républicain ». Et le ministère d’appeler à un renforcement du système d’accueil des victimes et de suivi des infractions, notamment par un investissement accru dans la lutte contre la haine (y compris en ligne), ainsi que des collaborations plus proches entres les institutions pertinentes et l’assistance aux victimes.

 

Des méthodes critiquées

Les chiffres avancés par le ministère ne doivent cependant pas être pris pour argent comptant. L’article premier de la Constitution, de même que la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, interdisent en effet formellement la collecte de données «qui révèlent la prétendue origine raciale ou l’origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale d’une personne physique» . Ce qui rend de ce fait impossible le calcul des chiffres réels des actes antisémites, antimusulmans ou antichrétiens, de même que les actes xénophobes ou racistes.

D’où viennent donc les informations du ministère ? Les sources utilisées sont en réalité aussi variées que différentes. Outre des données officielles et indiscriminées sur les infractions à caractère discriminatoire rapportées à la police et à la gendarmerie chaque année, le ministère se sert de données issues d’associations et institutions religieuses reconnues – à l’instar du Service de protection de la communauté juive (SPCJ) –, auxquelles viennent s’ajouter quelques études de terrain et les enquêtes annuelles de victimation de l’Insee.

 

Il est estimé que seuls 8 % des faits seraient signalés, et que 3 % uniquement mèneraient à un dépôt de plainte.

 

D’une source à l’autre, les chiffres varieraient ainsi du simple au décuple, affirmait Géraldine Woessner sur Europe 1 en février 2018. En cause : les méthodes de récolte des données, l’accès aux populations affectées et la tendance ou non des victimes à reporter les actes perpétrés à leur encontre. Il est estimé que seuls 8 % des faits seraient signalés, et que 3 % uniquement mèneraient à un dépôt de plainte, indique la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans son rapport 2018 sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Le résultat de la compilation de l’ensemble des données est alors considéré comme suffisamment digne de confiance pour être publié par le ministère, même s’il ne représente, en fin de compte, qu’une vision partielle de la réalité.

 

Le Monde des religions

Fatima Achouri

Sociologue spécialiste de l’islam contemporain.

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