Le texte a été rejeté mercredi 29 mai en commission des lois mais il sera débattu en séance le 6 juin.
Au-delà de la question de fond, l’opposition cherche à s’approprier la question de la laïcité en soulignant les hésitations de la gauche.
La commission des lois de l’assemblée nationale a rejeté mercredi 29 mai une proposition de loi UMP qui vise à limiter l’expression religieuse des salariés dans le secteur privé. Le texte sera toutefois discuté en séance jeudi prochain, dans le cadre d’une niche parlementaire.
Comme l’UMP l’avait fait lors de la loi de 2010 sur le port du voile intégral dans l’espace public, elle entend à nouveau se montrer offensive sur la défense de la laïcité et souligner les hésitations de la gauche. Le nouveau texte déposé par Christian Jacob, président du groupe UMP, est signé par plus de 100 députés du groupe (sur 187), dont les deux poids lourds que sont Jean-François Copé, président de l’UMP et l’ancien premier ministre François Fillon. La proposition vise à modifier le Code du travail de manière à élargir les conditions dans lesquelles les entreprises privées peuvent imposer à leurs salariés le respect d’une neutralité religieuse.
Le 19 mars dernier, la Cour de cassation a rendu un arrêt défavorable à la crèche Baby Loup qui avait licencié une puéricultrice voilée au nom du principe de neutralité inscrit dans son règlement intérieur. Cette décision a suscité un certain émoi dans l’opinion et le monde politique. Le ministre de l’intérieur Manuel Valls a publiquement regretté cette jurisprudence et le président François Hollande a souhaité fin mars, lors d’un entretien télévisé, une intervention du législateur. Mais c’est à l’UMP que les réactions ont été les plus fortes. Le 28 mars, le député des Alpes-Maritimes Éric Ciotti a déposé une proposition de loi pour permettre aux entreprises d’inscrire le principe de neutralité dans leur règlement intérieur.
La « laïcité doit être traitée globalement »
Une solution trop radicale et contraire au principe de liberté religieuse garantie par la Constitution et la déclaration des droits de l’homme. Aussi Éric Ciotti a-t-il décidé de retirer sa proposition et de se rallier à celle de Christian Jacob. Ce deuxième texte, déposé le 24 avril, encadre plus strictement les conditions dans lesquelles les entreprises pourraient imposer un devoir de neutralité : « Sont légitimes, dès lors qu’elles sont justifiées par la neutralité requise dans le cadre des relations avec le public ou par le bon fonctionnement de l’entreprise et proportionnées au but recherché, des restrictions visant à réglementer le port de signes et les pratiques manifestant une appartenance religieuse. »
Mercredi devant la commission des lois, Éric Ciotti, rapporteur du texte, a invoqué le « combat de tous les républicains » et appelé ses collègues à composer un « front uni » face à l’augmentation des demandes religieuses qui menaceraient la cohésion sociale. Son collègue UMP Guy Geoffroy (Seine-et-Marne) a défendu un texte qui permettra de « sécuriser le dialogue social ».
Mais les socialistes ont fermement rejeté la sincérité de la démarche. Pour Colette Capdevielle (Pyrénées-Atlantiques), la « laïcité doit être traitée globalement et non pas par le prisme d’une loi de circonstance dictée par l’émotion ». Elle dénonce la « stigmatisation d’une religion », l’islam, et « l’instrumentalisation du débat » par l’UMP.
Les échanges promettent d’être vifs
Début avril, François Hollande avait confié au nouvel Observatoire de la laïcité une mission de réflexion sur la question. Quatre élus, dont deux de l’opposition, font partie de cet observatoire. « Si on veut le consensus républicain, il faut réfléchir, vous n’êtes pas dans cette démarche », a reproché le PS Jean-Pierre Blazy (Val-d’Oise).
Mais les réserves sur le texte UMP sont venues aussi de la droite. Député UMP des Yvelines, Jean-Frédéric Poisson craint des « risques de dérapage et de stigmatisation à l’égard non seulement de l’islam mais de toutes les religions ». Arnaud Richard, député UDI de la circonscription de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) où se trouve la crèche Baby-Loup, a pour sa part estimé que la proposition de loi risquait de ne pas répondre à la vraie question de la neutralité pour les associations qui reçoivent une délégation de service public.
Quand au Front National Gilbert Collard, il ne souhaite rien d’autre qu’une « neutralité totale » avec « l’interdiction de tous les signes religieux ». La semaine prochaine, dans l’hémicycle, les échanges promettent d’être vifs.
Source : La Croix