David Lau et Yitzhak Yossef ont été élus en juillet 2013 grands rabbins d’Israël pour dix ans. Ultraorthodoxes, ils pourraient aussi se révéler hommes d’ouverture.
Le 24 juillet 2013, le rabbin ashkénaze David Lau (47 ans) et le rabbin séfarade Yitzhak Yossef (61 ans) ont été élus pour dix ans grands rabbins d’Israël par un collège de 150 personnes (80 rabbins et 70 élus). L’enjeu de cette élection était à la fois religieux et politique, puisque, dans ce pays où la séparation entre l’État et la religion n’existe pas, le grand rabbinat a une influence décisive sur le caractère juif de l’État ainsi que sur le statut personnel des juifs israéliens – mariage, divorce, adoption, conversion, examens des candidats rabbins ou juges rabbiniques, nourriture…
Les deux hommes ont en commun d’être « fils de » et d’appartenir au judaïsme ultraorthodoxe. Yitzhak Yossef, né en 1953 à Jérusalem, ordonné en 1983, rabbin des moshavim de Ner Harim et Mata, est le sixième fils du rabbin Ovadia Yossef, grand rabbin de 1973 à 1983 et surtout fondateur et dirigeant spirituel du parti ultraorthodoxe Shass. David Lau, né en 1966 à Tel-Aviv – le plus jeune grand rabbin d’Israël jamais élu – est quant à lui le fils d’Israël Meïr Lau, rescapé de Buchenwald, grand rabbin de 1993 à 2003. Ordonné en 1993, rabbin de Modin, considéré comme proche du premier ministre Benyamin Netanyahou, il est connu pour les émissions radio et télévisées et pour son site Internet « Demande au rav » fondé il y a treize ans.
« Brillants mais prudents, plus juristes que politiques, ils devraient être capables de chercher des compromis »
Leur élection n’est pas pour autant le signe d’un raidissement, prévient le rabbin Alain Michel, historien, professeur d’histoire de la pensée juive à l’Institut Albert-Decourtray (Institut chrétien d’études juives et de littérature hébraïque de Jérusalem). « Tous deux sont des hommes discrets, spécialistes reconnus de la Loi, qui suivent les enseignements de leur père et font preuve d’ouverture et d’humanité dans l’application de la Loi, explique-t-il. Brillants mais prudents, plus juristes que politiques, ils devraient être capables de chercher des compromis sur les questions qui agitent la société alors que des juifs laïcs s’élèvent aujourd’hui contre le monopole orthodoxe du rabbinat et qu’une partie de la population demande la séparation de la synagogue et de l’État.
« Le grand rabbinat pourrait jouer un rôle dans la construction d’un front commun des religions ouvertes au dialogue »
Pour Dov Maimon, rabbin et chercheur en géostratégie à Jérusalem, le choix de deux hommes est également une « bonne nouvelle ». « Mandatés par des leaders spirituels qui ne se mêlent pas de politique, ils devraient s’en tenir aux questions religieuses pour lesquelles ils font preuve d’ouverture, assure-t-il. Yitzhak Yossef a notamment publié un livre en onze volumes, une sorte de digest qui répond concrètement aux questions que se posent les juifs qui ne savent plus comment se positionner dans un monde où les rapports entre religion et modernité sont de plus en plus complexes. Il y permet par exemple aux femmes de porter le pantalon, ce que nombre d’ultraorthodoxes refusent… Alors que commence le mois de Tichri, avec la fête de Rosh Hashana, nous pouvons formuler le vœu qu’ils œuvrent pour la réconciliation interne du judaïsme et pour le dialogue. Le rabbin Lau a noué, à la suite de son père, de nombreux contacts avec les musulmans. Le grand rabbinat pourrait jouer un rôle dans la construction d’un front commun des religions, ouvertes au dialogue… ».
Dans leur message de félicitations aux deux nouveaux rabbins, l’Assemblée des ordinaires catholiques de Terre sainte leur tendait une perche, formulant l’espoir de pouvoir « travailler ensemble en tant que leaders spirituels afin de promouvoir la justice et la paix dans notre région et de lutter contre l’exploitation de nos religions par des fanatiques et des personnes motivées par le mal ».
Source : La Croix