Diplomatie vaticane : François renoue avec l’ère Jean-Paul II

Dix ans après le « non » du pape polonais à l’intervention américaine en Irak, celui de François à une intervention en Syrie.

Le pape François surprend depuis une semaine par sa véritable offensive pour le dialogue et contre une extension de la guerre en Syrie, rappelant l’énergie de Jean-Paul II en 2003 sur l’Irak, relèvent les analystes.


Assiste-t-on à un retour à la diplomatie musclée du Saint-Siège, telle qu’elle était pratiquée sous le pape polonais, notamment concernant l’Irak et les Balkans ? « C’est le retour de la papauté à une politique extérieure qui avait disparu de la scène internationale sous Benoît XVI. C’est une victoire posthume de Karol Wojtyla », affirme le vaticaniste Marco Politi, relevant que cela a lieu au dixième anniversaire du « non » du pape polonais à l’intervention américaine en Irak.


Depuis le 1er septembre, François s’est exprimé chaque jour publiquement ou sur les réseaux sociaux. Il a condamné l’emploi des armes chimiques, affirmant que « le jugement de Dieu » et « de l’histoire » attendait les coupables, mais ne les a pas désignés. Il a rappelé qu’il y a pour cela des enquêteurs et une justice internationale. Sans jamais citer un pays quelconque, en plein G20, alors que les États-Unis et la France cherchaient à convaincre leurs partenaires de la justesse de frappes limitées, le pape a appelé, dans une lettre au président Vladimir Poutine, à « abandonner la recherche inutile d’une solution militaire ».

Le Vatican agit sous François sur deux tableaux : l’un, traditionnel, de la diplomatie, que Benoît XVI n’avait pas abandonné, même s’il ne tapait jamais du poing sur la table. Joseph Ratzinger avait ainsi soutenu des initiatives fortes pour la Syrie, notamment le projet d’envoi en novembre d’une délégation de cardinaux en Syrie. Initiative qui avait échoué faute d’accord de Damas. L’ex-pape avait aussi lancé de nombreux appels à la paix et le nonce Mario Zenari a travaillé dur à Damas pour défendre les intérêts des chrétiens et lutter contre les dérives extrémistes. Le « ministre » des Affaires étrangères du Vatican, Mgr Dominique Mamberti, a présenté vendredi dernier aux diplomates de 71 pays un plan en six points, montrant que le Saint-Siège travaille depuis longtemps sur l’avenir de la Syrie. « Dans le vide de leadership actuel, c’est une magnifique manœuvre d’un homme qui n’a peur de rien pour remettre le Saint-Siège dans le jeu », a relevé une source proche du dossier.


Le deuxième tableau sur lequel joue François est la mobilisation de l’opinion. Elle compte certainement plus pour lui que la diplomatie – François en a peu l’expérience et ce n’est pas sa priorité. C’est d’une manière très spectaculaire que le pape, qui se sait populaire, s’est exprimé lors de l’Angelus du 1er septembre pour annoncer, le visage grave, une journée de jeûne et prière pour la semaine d’après. Un moment historique. Lors de la veillée de samedi terminant cette mobilisation, il a développé, en remontant à des textes fondateurs du monothéisme – celui sur Caïn et Abel –, toute une réflexion sur la création aimée de Dieu et gâchée par l’homme. Un langage accessible à tous. Il a eu l’habileté d’appeler le milliard de catholiques, ainsi que les autres chrétiens, et les fidèles des autres religions – en premier lieu l’islam et les non-croyants – à adhérer à sa profession de foi contre toute intervention extérieure armée en Syrie.


Ce sont des centaines de réunions de prières qui ont eu lieu sur les cinq continents. Et 100 000 personnes, dont des musulmans, étaient présentes place Saint-Pierre autour du pape samedi. Comme en 2003, l’Église a su mobiliser sur le thème de la paix. Une mobilisation qui s’explique de plusieurs façons : l’unanimité des patriarches d’Orient à demander au Saint-Siège d’intervenir et la bienveillance des musulmans modérés, en Jordanie, au Liban, en Syrie. Mais aussi la conviction que la cause de la paix dépasse les frontières religieuses.
Au Vatican, on se félicitait du succès de l’initiative du pape au moment où les déclarations des responsables occidentaux, de Paris à Washington et Moscou, semblent faire peu de cas des facteurs religieux dans l’équilibre régional du Moyen-Orient.

 

Source : L’Orient Le Jour.com

 

F. Achouri

Sociologue.

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