RATP. La direction invite les encadrants à mieux surveiller et dénoncer les musulman·es

Une nouvelle note de service officielle au sein des services de la RATP invite les encadrants à repérer les signes religieux parmi les agent·es : prière, ablutions, livres de culte, pauses pendant les fêtes, etc. Mais cette note ne laisse aucune ambiguïté : elle vise exclusivement les musulman·es.

Depuis septembre, la note générale du plan « Travailler ensemble » de la RATP, à destination des Cadres et maîtrises de la société francilienne, invite les managers à faire remonter toute entrave aux « principes de laïcité et de neutralité », signée par le président sortant de la RATP, Jean Castex. Si elle est présentée comme un simple rappel au devoir de respect de ces principes au travail, cette note désigne plus spécifiquement les agent·es musulman·es ou assimilé·es musulman·es.

Le texte mentionne noir sur blanc « Les prières musulmanes quotidiennes (5 fois par jour, à des heures variables selon la position du soleil) », et va jusqu’à indiquer un lien vers le site de la Grande Mosquée de Paris pour consulter les horaires de prière. « C’est une nouvelle séquence de la chasse à l’homme islamophobe à la RATP. On est dans une logique de suspicion généralisée et d’incitation à la délation, comme après le rapport du ministère de l’Intérieur sur le “frérisme”. On va jusqu’à chasser les bouteilles d’eau dans les toilettes, faire des rondes dans les vestiaires, enlever les cartons, chercher des éventuels tapis plié, on va jusqu’à harceler les agents de nettoyage… comme si prier ou avoir un fichu sur la tête était devenu un délit », dénonce un conducteur sur le RER A et militant Solidaires RATP.

Bien que les autres religions soient citées, jamais une telle démarche de description et de flicage des activités des agent·es n’a été observée pour les autres croyants. Sur toute l’année 2025, plusieurs formations laïcité ont été données aux cadres et maîtrises pour la gestion de leur équipe. Cette note acte en soi une dérive déjà observée par de nombreux·ses agent·es sur le terrain.

Certains syndicats ont timidement réagi, demandant des explications à la direction, mais sans jamais nommer l’islamophobie manifeste de la note. « Le syndicat majoritaire FO Traction, pourtant resté silencieux lorsqu’un cadre du métro avait publiquement insulté les musulmans et leur prophète sur les réseaux sociaux, se dit aujourd’hui inquiet d’un texte susceptible de « créer des tensions » entre collègues – sans jamais évoquer le caractère profondément raciste et délateur du dispositif », constate l’agent.

La direction de la RATP adapte à la fois son discours et ses actes au climat islamophobe ambiant, porté par une série de politiques racistes menées par le gouvernement de Macron et les précédents. La France utilise faussement la notion de laïcité pour justifier ses attaques contre les musulman·es et leur existence même, le voile, l’abaya, les prières, les mosquées… Une « laïcité républicaine dominante » à deux vitesses et hypocrite qui n’est que la conclusion de plusieurs décennies de politiques racistes et de stigmatisation des musulman·es ou assimilés. Un deux poids deux mesures encore plus visible dans la vidéo devenue virale de Transdev où un prêtre bénit le téléphérique lors de son inauguration dans le réseau IDF Mobilité.

« Ce texte va clairement stigmatiser encore plus les musulmans et donner encore plus des ailes à certains agents et encadrants RATP très nationalistes », regrette l’agent. Selon lui, cette « campagne de sensibilisation » sert à diviser et détourner l’attention des réels problèmes qui infusent au sein de la RATP : des conditions de travail dégradées, la sous-traitance massive, et la privatisation rampante du réseau francilien. Les salariés de la RATP, croyants et non-croyants, ne doivent pas accepter cette cabale raciste et islamophobe à l’encontre de leurs collègues, ni céder aux tentatives de division de la direction. Il faut se battre pour défendre ensemble la liberté de pouvoir pratiquer sa religion sans subir de stigmatisation. Et face à une direction et gouvernement qui continue sa guerre contre les musulman·es, à l’image de Bruno Retailleau qui scande « à bas le voile » lors de son dernier meeting, il faut exiger l’abrogation de toutes les lois racistes et islamophobes telle que la loi séparatisme.

Révolution Permanente

F. Achouri

Sociologue et consultante en développement des ressources humaines.

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