Euthanasie : les évêques de France rappellent le caractère « fondamental » de l’interdit de tuer

Les évêques de France ont choisi d’intervenir tôt dans le débat qui s’annonce sur la fin de vie. Jeudi 16 janvier, le conseil permanent de la Conférence des évêques de France (CEF) a publié une déclaration intitulée Fin de vie : pour un engagement de solidarité et de fraternité.

Alors que l’on ne connaît encore ni le calendrier ni les intentions précises du gouvernement, mais alors que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s’est prononcé jeudi contre l’euthanasie passive de Vincent Lambert, un jeune paraplégique en état de conscience minimale depuis cinq ans, ils rappellent qu’instaurer une aide active à mourir confronterait la société à des « décisions inhumaines ».

Lors de sa conférence de presse mardi, le président de la République, François Hollande a souhaité qu’un texte de loi permette, dans un cadre « strict », à une personne majeure atteinte d’une maladie incurable de demander « une assistance médicalisée pour terminer sa vie en dignité ». Une formule ambiguë qui peut très bien désigner les soins palliatifs… Il a également dit souhaiter qu’un tel texte soit voté « sans polémique, sans divisions, simplement dans l’idée qu’un changement est possible pour rassembler toute la société ».

Rupture « fondamentale »

De fait, aucune annonce n’a été faite quant aux projets du gouvernement : autorisation du suicide assisté (comme l’a récemment suggéré un « panel de citoyens ») ? euthanasie par un tiers (comme le réclament certaines associations) ?

Pour autant, les évêques ne sont pas dupes : ils savent la volonté du gouvernement d’intervenir dans ce dossier, et constatent « les campagnes médiatiques de promotion d’une nouvelle loi ». Et dans tous les cas, ils rappellent qu’autoriser une aide active à mourir – quelles que soient ses modalités – constituerait une rupture « fondamentale ».

« Aider un malade à mettre lui-même fin à ses jours ou provoquer délibérément la mort d’un patient à sa demande, ce qui est proprement appelé euthanasie, sont inacceptables », déclarent les évêques, qui s’inquiètent de voire « notre société chercher à “esquiver la mort” ».

« Personne ne peut provoquer délibérément la mort, fût-ce à la demande d’une personne gravement malade, sans transgresser un interdit fondamental », poursuit la déclaration. « “Tu ne tueras pas” demeure une exigence morale majeure de toute société, et, pour les croyants, un commandement de Dieu. C’est le fondement de toute vie sociale respectueuse d’autrui, spécialement des plus vulnérables ».

« Une charge pour leurs proches »

La CEF est, bien sûr, consciente des interrogations qui traversent la société sur le caractère « irréversible » de certaines affections, sur les souffrances de certains patients en fin de vie… Auteur de la loi du même nom, adoptée en 2005, le député Jean Leonetti a récemment proposé de transformer en « droit » la possibilité déjà existante de soulager les malades arrivés au stade terminal avec des anti-douleurs au point de leur “abréger la vie”.

De son côté, le professeur Didier Sicard a envisagé dans son rapport remis le 18 décembre 2013 au président de la République la possibilité d’une aide médicalisée au suicide « pour une personne en fin de vie et en situation de détresse ».

« Nombre de nos contemporains, en raison d’une maladie, d’un handicap ou de leur âge, se sentent devenus une charge pour leurs proches et un poids pour la société », constatent les évêques. « Ils souffrent de leur solitude, de l’indifférence d’autrui, du regard porté sur eux dans une société axée sur les valeurs d’autonomie et d’efficacité. Ceux qui en viennent à douter de la valeur et du sens de leur vie ont besoin d’accompagnement, de solidarité et de soutien dans l’épreuve. N’aurons-nous rien d’autre à leur proposer que de mettre fin à leur existence ? »

Respect dû à toute personne

La déclaration du conseil permanent s’interroge aussi sur la difficulté d’articuler la lutte contre le suicide – particulièrement chez les jeunes et les personnes âgées – et « en même temps (s)a promotion ».

« Qui deviendrait le juge des vies qui ne valent plus d’être vécues ? Il serait discriminatoire d’estimer aussi différemment la valeur de la vie des uns et des autres », notent-ils.

Réaffirmant leur « conviction profonde » qu’un changement législatif « ne peut avoir pour objectif que de rendre plus manifeste le respect dû à toute personne en fin de vie », ils redisent à la fois leur refus de l’acharnement thérapeutique et de l’acte de tuer. Et leur souhait de voir le gouvernement encourager plutôt « le développement des soins palliatifs et le renforcement des solidarités familiales et sociales ».

 

La Croix

F. Achouri

Sociologue.

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