Et voilà que Big Brother refait surface Outre-Atlantique, au moment où les musulmans de New York, sans se bercer d’illusions, espéraient toutefois en avoir fini avec l’ère de l’espionnite aiguë et de la suspicion généralisée, conformément aux récentes promesses du grand patron du département de police NYPD, qui leur a fait miroiter des lendemains moins oppressants et plus respectueux de leurs droits civiques.
C’est à la lumière de nouvelles révélations accablantes sur le FBI et la NSA, et sur leur surveillance intensive, intrusive, qui n’a jamais relâché la pression, allant jusqu’à épier les moindres faits et gestes de personnalités musulmanes américaines de premier plan, que l’association des relations américano-islamiques CAIR a frappé un grand coup en dénonçant des dérives scandaleuses dévoilées par les dossiers explosifs du célèbre lanceur d’alertes, aujourd’hui réfugié en Russie, Edward Snowden. Celui-ci, chantre de la transparence dans une nébuleuse du renseignement US qui n’aime que les ténèbres, vient d’ailleurs de demander la prolongation de son permis de séjour.
Chef de file d’une coalition de 45 organisations de défense des libertés civiles, Nihad Awad, directeur exécutif du CAIR (photo ci-dessus), a haussé le ton lors d’une réunion publique, estimant que l’heure était venue d’exiger de l’administration Obama qu’elle rende des comptes sur son espionnage anticonstitutionnel de la minorité musulmane dont des figures éminentes, s’illustrant dans différentes sphères, – politique, académique, juridique, voire au sein de la Grande muette -, sont observées de très près, à chaque instant, et depuis longtemps.
« Il s’agit d’une poursuite scandaleuse de la surveillance de dirigeants de la communauté minoritaire par des agences gouvernementales qui considèrent qu’en chaque musulman, il y a un terroriste qui sommeille, et perçoivent comme une menace la moindre dissidence patriotique » a tonné ce dernier, après avoir eu la désagréable surprise de voir son nom figurer tout en haut de la liste noire établie par le FBI et la NSA, aux côtés de celui d’Asim Ghafoor, un avocat qui a représenté des clients dans des affaires liées au terrorisme, d’Agha Saeed, un ancien professeur de sciences politiques à l’Université d’État de Californie, ou encore d’Hooshang Amirahmadi, un universitaire irano-américain, expert des relations internationales à l’Université Rutgers.
Outre la communauté musulmane, la cible de prédilection éternellement dans sa ligne de mire, Big Brother tient également à l’œil les minorités afro et latino-américaines, sans aucune preuve tangible pour étayer ses soupçons. Fédérés sous la même bannière de la vive protestation, les défenseurs des libertés civiles ont récemment condamné avec la dernière énergie ces pratiques gouvernementales indignes d’une démocratie, qui n’ont que trop duré au nom d’une lutte anti-terroriste frayant dans les eaux troubles de l’arbitraire, traquant, blacklistant, incitant à la délation, stigmatisant, avant de mettre sur le banc des accusés des musulmans américains dépossédés de leurs droits les plus élémentaires.
« Ces méthodes nuisent non seulement aux musulmans américains, mais à toutes les communautés qui font confiance dans les lois qui régissent les États-Unis et dans leur stricte application pour servir et protéger la population diversifiée de l’Amérique, sans discrimination. Ces méthodes minent le fondement de la démocratie : aucun citoyen américain ne devrait grandir et évoluer dans ce pays en ayant peur de la répression, aucun citoyen américain ne devrait craindre des représailles s’il revendique ses droits civiques fondamentaux, son droit à la liberté d’expression, d’association, de conscience et de culte », a interpellé, dans une missive adressée à Barack Obama, la coalition en colère composée de groupes juridiques et interreligieux, parmi lesquels sont en pôle position le CAIR, l’ACLU, Amnesty international, le Comité anti-discrimination américano-arabe, Human Rights Watch, la Société islamique d’Amérique du Nord, le Musulman Public Affairs Council, mais aussi la T’ruah, l’appel rabbinique pour les droits de l’homme, l’Église presbytérienne des Etats-Unis et l’Église unie du Christ, ainsi que des grands témoins issus de l’institution judiciaire et de certaines antichambres du pouvoir.
Les promesses sont de belles paroles qui s’envolent, et il y a fort à craindre que si jamais l’homme fort de Washington s’engageait à mettre Big Brother à la retraite anticipée, cette énième promesse ne se volatilise à l’air libre, comme celle non tenue de la fermeture de l’enfer pénitentiaire de Guantanamo, qui sonne désormais aux oreilles de ceux qui ont voulu y croire comme une cruelle désillusion de l’ère Obamanienne.
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