“Apologie du terrorisme” : Un professeur de philosophie suspendu

 

Un professeur de philosophie à Poitiers vient d’être suspendu quatre mois et fait l’objet d’une enquête pour “apologie du terrorisme”. Nombre d’actions de soutien sont lancées. 

Suite aux attentats de Paris début janvier, les enseignants ont instauré des débats et ont tenté d’ouvrir le dialogue afin de ne pas laisser les élèves dans la peur et l’effroi. Sous la demande de Najat Vallaud Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, les élèves tenant des propos tendancieux devraient être signalés et même dénoncés à la police. 

 

Comme ses collègues, Jean-François Chazerans, professeur de philosophie à Poitiers, a tenté l’exercice mais son effort de discussion s’est retourné contre lui. Il aurait “tenu des propos déplacés” au cours de la minute de silence du 8 janvier en  hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo, d’après la Nouvelle République.

«Il y a eu des plaintes de familles, rapporte le recteur de l’académie de Poitiers, Jacques Moret. L’enseignant aurait tenu des propos déplacés […]. J’ai immédiatement diligenté une enquête. Le professeur a été suspendu. Il fallait l’éloigner de ses élèves. La procédure suit son cours. Le conseil de discipline statuera [le 13 mars, ndlr] sur la suite de sa carrière.» 

Le contenu des propos reprochés est gardé sous silence. Une procédure judiciaire pour “apologie d’actes terroristes” s’est vue ajouter à la suspension de quatre mois. Le professeur risque 75 000 euros d’amende et une peine de 5 ans d’emprisonnement. 

Libération a contacté par téléphone Jean-François Chazerans qui s’explique abasourdi:

«Je suis arrivé un matin à 8 heures et la chef d’établissement m’a fait signer l’arrêté [de suspension] comme c’est la procédure. Depuis, j’ai eu la convocation au conseil de discipline en mains, l’intitulé est : “propos inadéquats tenus en classe”. J’aurais plus de détails lorsque j’aurais accès à mon dossier, un mois avant [la tenue de ce conseil]. J’ai six classes, je ne sais pas d’où ça vient.»

La stupéfaction demeure grande pour cet enseignant qui se dit “sonné”.

” Je suis sonné, je m’attendais à tout sauf à ça. Ce fameux jeudi, j’ai organisé des débats avec mes six classes de terminale. Le but était de comprendre les causes du terrorisme en sortant autant que possible de la passion et de l’émotion du moment.»

Il ne comprend pas ce qui se passe et s’indigne qu’on puisse penser qu’il aurait un quelconque penchant pour les assassins des attaques parisiennes de janvier:

«Ma réaction de citoyen est de dénoncer avec force ces actes odieux, horribles. On ne peut quand même pas m’accuser d’avoir la moindre sympathie pour les jihadistes. Ce sont des groupes fascistes que je combats. Il n’y a pas eu une quelconque apologie du terrorisme lors de mes cours. Au contraire…»

Une page facebook a été créée afin de soutenir le professeur qui est connu pour son goût de la discussion. Un parent d’élève témoigne :

«Je connais bien Jean-François Chazerans comme militant, certes, mais aussi comme prof. Il a été le prof […] d’un de mes fils et je peux témoigner de la valeur de cet enseignant qui sait inculquer à ses élèves les méthodes leur permettant une pensée autonome.»

En plus, un rassemblement de soutien auquel 200 personnes ont participé a été organisé mercredi à Poitiers. Une pétition est en cours. Le syndicat Sud Educ s’érige contre l’acharnement perpétré contre un professeur respectable et s’insurge contre le manque de crédit donné à sa parole négligée par rapport à celle d’un élève ou d’un parent d’élève. 

“Voilà comment on protège les profs : on les met en première ligne, puis on ne les soutient pas, fulmine-t-il.”

Jean-François Chazerans garde espoir de retrouver son poste et sa dignité. La proviseure du lycée refuse de commenter la situation.

 

Islam & Info

 

F. Achouri

Sociologue.

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