L’assassinat de trois étudiants musulmans, le 10 février dernier, dans la cité universitaire de Chapel Hill aux États-Unis, soulève une vive polémique dans le pays. Le silence des médias est pointé du doigt.
Pour les médias traditionnels, toutes les morts se valent-elles ? La question, a priori polémique, est soulevée encore une fois après l’assassinat de trois musulmans lors d’une fusillade à Chapel Hill, en Caroline du Nord, le 10 février dernier.
Deah Shaddy Barakat, 23 ans, sa femme Yusor Abu-Salha, 21 ans, et sa sœur, Razan Abu-Salha, 19 ans, ont en effet été tués par balles par Craig Stephen Hicks, un homme de 46 ans qui exprimait ouvertement sa détestation des religions. Pourtant, les médias locaux n’en ont pas fait cas, ce qui n’a pas manqué d’indigner certains internautes qui ont pointé du doigt un traitement médiatique sélectif voire discriminant.
Le hashtag #Muslimlivesmatter (« les vies des musulmans comptent ») a ainsi été créé en référence à #BlackLivesMatter, qui a vu le jour après le meurtre de plusieurs Africains-Américains par des policiers. Des messages du monde entier ont afflué et beaucoup regrettent que le crime ait bénéficié d’aussi peu de couverture médiatique aux États-Unis.
« Je veux que les religions disparaissent »
Même si le tireur, incarcéré à la prison du comté de Durham, n’a pas encore dévoilé ses motivations, et que la police évoque dans un communiqué « une dispute au sujet d’un espace de stationnement », ses déclarations antérieures laissaient entrevoir une obsession antireligieuse patente.
Craig Stephen Hicks assurait ainsi sur sa page Facebook être un athée convaincu et critiquait violemment toutes les religions. « Étant donné les énormes dégâts que votre religion a fait dans ce monde, je dirais que j’ai non seulement le droit, mais aussi le devoir, de l’insulter », avait-il écrit dans un commentaire en référence aux religions dans leur ensemble, sans en viser une en particulier.
Selon le journal the Daily Dot, Hicks aurait publié plusieurs posts dans lesquels il accuse les religions d’être « arrogantes et manipulatrices ». Il aurait également écrit sur sa page : « Bien sûr, je veux que la religion disparaisse ». Ses diatribes étaient toutefois ponctuées de tirades philosophiques pacifiques : « Les Dieux sont une chose fragile, ils peuvent être tués par une petite pincée de science ou une dose de bon sens ». « Si toutes les religions enseignent la paix, alors pourquoi aucune religion ne peut réussir à instaurer la paix ? ».
Cependant, son avant-dernier post laissait présager un possible passage à l’acte : le 20 janvier dernier, Craig Stephen Hicks publie la photo d’un revolver calibre 38. L’image est intitulée « Moi ». Dans la légende, il précise « que l’arme est chargée » et qu’il dispose de cinq balles supplémentaires…
Mohammad Abou-Salha, le père des deux filles assassinées, a réfuté la thèse d’une dispute entre voisins. Il a expliqué mercredi au journal local The Chapel Hill News and Observer que l’assasin s’en est déjà pris à sa fille et son mari à plusieurs reprises. « Il leur parlait avec son pistolet à la ceinture » a-t-il ajouté.
Erdogan exige une réaction d’Obama
Au niveau international, l’affaire suscite de nombreuses réactions. En déplacement au Mexique, le président turc Recip a Teyip Erdogan a regretté « le silence de Barack Obama » sur la question. « Si vous restez silencieux face à une incident tel que celui-ci et que vous ne faites pas de déclaration, le monde restera silencieux face à vous », a ainsi prévenu le chef d’État turque. La Maison blanche a en effet indiqué mercredi qu’elle attendrait les résultats de l’enquête policière avant de faire un commentaire.
Du côté du Maroc, le premier ministre Abdelilah Benkirane a également évoqué l’affaire. Dans une intervention lors de la réunion du Conseil des ministres, le chef du gouvernement marocain a dénoncé « la montée de l’islamophobie en occident », soulignant que les musulmans « ont le droit de bénéficier de la protection et que ces crimes doivent susciter une condamnation ferme et collective ». Enfin, l’intellectuel Tariq Ramadan, proche des Frères musulmans égyptiens, s’est offusqué du traitement de l’affaire, accusant, via twitter, les médias américains d’islamophobie.
Les trois victimes ont été inhumées jeudi à Raleigh, près de Chapel Hill, en présence d’environ 5 000 personnes, venues leur rendre hommage.