Imam, une fonction fragile en France

À Lunel (Hérault), l’imam et le président de l’association gérant la mosquée ont été poussés à la démission par quelques jeunes, vraisemblablement proches de la mouvance salafiste.

 

La mosquée de Lunel    À Lunel, dans l’Hérault, le conflit opposant les responsables d’une mosquée à quelques militants illustre une fois de plus le problème de la fragilité du statut des imams en France, dans un contexte de radicalisation. Selon des sources locales, l’imam de la mosquée La Baraka, Elhaj Benasseur, avait critiqué la vingtaine de jeunes partis faire le « djihad » en Syrie l’an dernier, assurant que celui-ci ne faisait pas partie « des préceptes de l’islam ». Après avoir reçu des menaces de mort contre lui et sa famille, il a décidé de démissionner, suivi par le président de l’association.

Dimanche 1er novembre, après une nouvelle semaine de tensions, un successeur a été élu à la tête de l’association gestionnaire. Chauffeur routier, il est père de cinq enfants.

En France, les imams manquent d’un statut

Ce type de contestation interne est « de plus en plus fréquent », reconnaît Romain Sèze, chercheur à l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice. Le choix des imams se fait ordinairement sur des critères de piété et en fonction de sa formation. « Ce mode de légitimité est ouvert à toute forme de concurrence : n’importe quel fidèle un peu zélé et revendiquant un meilleur savoir peut le contester. Or le salafisme, c’est le zèle par définition », remarque Romain Sèze.


Alors que dans les pays majoritairement musulmans, les imams sont toujours des fonctionnaires de l’État, ils manquent en France d’un réel statut. « Beaucoup n’ont pas de contrat de travail – ni affiliation à la sécurité sociale, ni salaire fixe – et sont donc soumis à la pression du président de l’association, souvent un notable local, et de la communauté ».

Conseil théologique

Abdellali Mamoun, fondateur du Conseil des imams, a fait lui-même cette douloureuse expérience. Jugeant qu’il faut « couper le robinet de la radicalisation », il suggère au Conseil français du culte musulman (CFCM) de créer un « conseil théologique » qui serait lui-même doté d’un « conseil de l’ordre ». « Celui-ci se déplacerait sur les lieux, écouterait les parties et, dans un rapport, établirait qui, de l’imam ou des fidèles, est déviant », explique-t-il. Le CFCM ou la préfecture prendrait ensuite les mesures adéquates.

Certaines fédérations musulmanes suggèrent aussi de renforcer les liens entre imams à l’échelle de la région. Les maires peuvent également, dans une certaine mesure, jouer un rôle de soutien. « Avoir l’appui du maire, ce n’est pas rien. De nombreuses familles attendent d’être dirigées par des imams reconnus et fiables », assure Romain Sèze.

 

La Croix

 

F. Achouri

Sociologue.

Nos services s'adressent notamment aux organisations publiques et privées désireuses de mieux comprendre leur environnement.

Articles recommandés