En pleine psychose de fuite d’information, deux proches collaborateurs du pape ont été arrêtés pour avoir fait passer des documents à des journalistes.
Les corbeaux ont recommencé à voler au-dessus de la place Saint-Pierre. La gendarmerie vaticane a arrêté durant le week-end – mais l’information n’a été divulguée que lundi – deux membres de la Commission pontificale de référence, d’étude et de proposition sur l’organisation de la structure économique et administrative du Saint Siège, la Cosea. Le promoteur de justice, l’équivalent d’un procureur, accuse Mgr Angel Vallejo Balda et Francesca Chaouqui d’avoir fait passer à des journalistes des documents classifiés.
Ces arrestations interviennent alors que la psychose des « fuites » empoisonne le Vatican comme aux heures les plus sombres de VatiLeaks, le scandale qui a poussé Benoît XVI à la démission. Durant le synode, une lettre secrète adressée au pape François par un groupe de cardinaux conservateurs s’était ainsi retrouvée à la une d’un quotidien italien. Une enquête a également été ouverte pour la tentative de violation de l’ordinateur de Libero Milone, nommé réviseur général des comptes du Vatican par le pape en juin dernier.
Toutes ces affaires tournent autour d’un unique sujet : les finances du Vatican. Un thème d’autant plus sensible que deux ouvrages consacrés aux turpitudes financières à l’ombre de la basilique Saint-Pierre, Chemin de croix de Gianluigi Nuzzi et Avarice d’Emiliano Fittipaldi, sont sur le point de paraître. Des trafics sur les béatifications au patrimoine caché de l’Église, des mystérieux comptes de l’IOR (L’Institut pour les œuvres de religion, la banque du Vatican) aux fraudes à la TVA, du gâchis dû à l’incompétence aux véritables carambouilles montées par des escrocs en passant par les guerres que se livrent les différents clans : tous les dessous de la vie financière du Vatican y sont révélés avec, de l’avis de ceux qui ont pu avoir accès aux épreuves, une masse de documents indiscutables. Gianluigi Nuzzi est d’ailleurs un récidiviste. Ses deux précédents ouvrages Vatican SA et Sa Sainteté : scandale au Vatican avaient révélé, aussi bien pour les aspects financiers que pour les affaires de mœurs, la face cachée des hommes d’Église.
L’affaire est d’autant plus douloureuse pour l’évêque de Rome que les deux personnes arrêtées font partie du cercle restreint qu’il avait choisi pour faire le grand nettoyage. Cinquante-huit ans, espagnol, membre de l’Opus dei, Mgr Balda avait été nommé en juillet 2013 secrétaire de la Cosea, l’organisme mis sur pied par le pape François pour réformer les finances du Vatican. Quant à Francesca Chaouqui, cette avocate et lobbyiste ayant travaillé pour le géant mondial de l’audit Ernst & Young, à peine trentenaire et d’un physique avenant, elle avait déjà fait grincer des dents à bien des cardinaux pour des photos d’elle peu vêtue et pour des tweets irrespectueux envers l’ancien cardinal secrétaire d’État Tarcisio Bertone. Un profil atypique pour les habitués des colonnes du Bernin.
Le pape comptait néanmoins sur les talents et la détermination de cette jeune femme et de Mgr Balda pour bousculer des siècles de mauvaises habitudes. Mais il n’avait pas compté sur l’impatience et la précipitation de ses protégés. Frustrés par l’immobilisme de la curie, l’omerta des clans, les complots des uns et des autres, Mgr Balda et Francesca Chaouqui ont pensé, comme en son temps le majordome de Benoît XVI Paolo Gabriele, servir la cause du pape en faisant passer des documents aux journalistes.
Grossière erreur : consulté par le promoteur de justice, pape François a donné son assentiment à leur arrestation.
Le Point