Le patriarche de l’Église orthodoxe russe Cyrille vient d’annoncer son intention de procéder dans les jours à venir à la sanctification… du lac Baïkal. Pour anecdotique qu’elle puisse paraître, cette information n’est qu’un détail qui traduit fidèlement la prétention croissante de l’Église orthodoxe russe à s’imposer à la société en tant que partenaire égal de l’État russe. Depuis un certain temps et plus précisément depuis le début de la crise ukrainienne qui a provoqué en Russie, selon la formule consacrée, « une rupture morale et spirituelle avec l’Occident dégradé », cette prétention est définitivement sortie à la surface.
La semaine dernière, l’archiprêtre Vsevolod Chaplin, chef du département « Église et société » du Patriarcat de Moscou et porte-parole du patriarche Cyrille, a clairement formulé ces revendications. Selon lui, l’Église orthodoxe se considère comme un sujet égal à l’État, avec sa propre administration et son propre droit qui présume l’égalité absolue des représentants de l’Église et de l’État. « Nous, le clergé et les croyants orthodoxes, avons la majorité en Russie et c’est pourquoi notre voix doit être déterminante dans la prise de toutes les décisions concernant notre présent et notre avenir », a-t-il précisé.
L’État très réceptif
L’archiprêtre Chaplin a beau avoir la réputation de provocateur, ses déclarations jugées, hier encore, extravagantes reflètent de plus en plus la position réelle de l’Église orthodoxe qui n’est nullement contestée par les autorités russes.
Mardi, le métropolite Mercure, délégué du Patriarcat de Moscou auprès du ministère de l’Éducation et de la Science, a obtenu une réponse favorable de la part du ministre à sa demande d’étendre à dix ans au lieu d’un an l’enseignement dans les écoles de la discipline « Les bases de la culture orthodoxe ».
Mais ce n’est pas tout. Dimanche dernier, Nikolaï Tsoukanov, gouverneur de la région de Kaliningrad, a été reçu par le Patriarche Cyrille en visite dans cette région, pour lui présenter un rapport détaillé… sur les efforts de son administration dans le domaine socio-économique et notamment dans celui des grosses réparations des immeubles d’habitation aux frais du budget régional.
Staline, ce saint homme
En contrepartie, le Patriarcat de Moscou est pratiquement devenu le porte-parole du Kremlin dans la campagne que les autorités russes mènent actuellement pour réhabiliter Staline et le régime soviétique. C’est ainsi qu’il y a deux semaines, à la cérémonie d’ouverture de l’exposition Russie orthodoxe, le patriarche Cyrille s’est élevé contre la critique de Staline. « On ne doit pas douter des mérites d’un homme d’État qui a conduit son pays à la renaissance et à la modernisation même s’il a commis quelques crimes », a-t-il déclaré.
Cette déclaration est d’autant plus choquante que jusqu’à présent l’Église orthodoxe n’a jamais franchi la limite qui lui interdisait de pardonner les terribles représailles qu’elle a subies sous le régime stalinien et qui ont pratiquement décimé le clergé russe. Par contre elle s’inscrit bien dans l’actuelle renaissance du culte de Staline qu’on observe en Russie depuis que le Kremlin a banni « les fausses valeurs occidentales » au nom de « la morale éternellement irréprochable de la Sainte Russie ».
La Libre.be