Malgré la difficulté d’isoler les causes du racisme, les musulmans le subissent plus que le reste de la population, selon l’IFOP.
Malgré la difficulté d’isoler les causes du racisme, les musulmans de France le subissent de plein fouet, bien plus que le reste de la population. C’est la conclusion, sans appel, d’un récent sondage IFOP commandé par le gouvernement et la Fondation Jean Jaurès, publié mercredi dans Le Parisien.
Selon cette étude réalisée pour la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), 42 % des musulmans vivant en France affirment avoir fait l’objet d’au moins une forme de discrimination liée à leur religion, et ce au moins une fois au cours de leur vie.
60 % des femmes portant souvent le voile ont été discriminées au moins une fois au cours de leur vie, et 37 % d’entre elles ont été exposées à des insultes ou des injures à caractère diffamatoire. Mais 44 % des femmes qui ne portent jamais le voile l’ont aussi été. Quoi qu’il en soit, les femmes sont nettement plus victimes de discrimination dans la recherche d’un emploi, notamment les femmes voilées.
Selon Ismail Ferhat, de la Fondation Jean Jaurès, « le constat est inquiétant : il signifie que les musulmanes cumulent discriminations genrées et religieuses, une logique cumulée qui prend probablement sa racine, au moins partiellement, dans les polémiques incessantes sur le foulard. Ceci est confirmé dans l’enquête. »
Les discriminations vécues par les musulmans de France sont vécues « lors d’un contrôle » de police (13 %), « lors de la recherche d’un emploi » (17 %) ou encore d’un logement (14 %). L’étude relève également que les discriminations touchent davantage les personnes de 30 à 40 ans et les femmes (46 %, contre 38 % chez les hommes).
Près d’un musulman sur cinq a déjà été discriminé lors de la recherche d’un emploi
Dans son analyse de l’étude, François Kraus, directeur du pôle politique et actualités de l’IFOP, écrit que « l’observation des pratiques discriminantes vis-à-vis de cette minorité repose aujourd’hui avant tout sur les témoignages individuels recueillis par les instances de lutte contre la discrimination ou par des associations comme le CFCM ou le CCIF », qui ne permettent pas d’objectiver le phénomène. Cette étude, écrit-t-il, vise donc à combler ce manque.
Ce sondage a été réalisé par interview au téléphone, du 26 août au 18 septembre, c’est-à-dire avant la dernière polémique sur le voile et, surtout, note François Kraus, avant l’attaque de la préfecture de police de Paris. L’IFOP a constitué un échantillon de 1 007 personnes représentatif de la population de religion musulmane (personne s’identifiant elle-même comme musulmane) âgée de 15 ans et plus.
Parce qu’il n’existe pas de données statistiques qui permettraient de déterminer ce que serait un échantillon représentatif des musulmans de France, l’IFOP a déterminé des quotas à partir d’une étude IFOP – Institut Montaigne réalisée au printemps 2016 auprès d’un échantillon de 15 459 personnes. L’institut de sondage a également réalisé un « échantillon témoin » de 962 personnes non musulmanes.
Des agressions verbales et physiques surreprésentées
Dans son analyse, François Kraus, qui a mené l’étude pour l’IFOP, écrit que « si racisme et discriminations forment un continuum inextricable d’un même phénomène, il s’avère également important d’en mesurer la partie immergée de l’iceberg à travers l’évaluation des agressions, dont les musulmans peuvent directement faire l’objet. Or, au regard de ces résultats, il apparaît que leur ampleur est aussi nettement plus grande que pour le reste de la population. »
Selon cette étude, un musulman sur quatre (24 %) a été exposé à une agression verbale au cours de sa vie, contre 9 % chez les non-musulmans. En outre, 7 % de musulmans ont fait l’objet d’agressions physiques (contre 3 % dans le reste de la population).
Si l’on ne prend que la période des cinq dernières années, 40 % des musulmans estiment avoir fait l’objet de comportements racistes (contre 17 % chez les non-musulmans). Parmi eux pour 16 %, cela était dû à la religion, et pour 15 %, à leur couleur de peau.
Pour François Kraus, « les violences verbales, physiques ou symboliques qui affectent la plupart des musulmans ne se réduisent pas au rejet de leur confession mais aussi d’autres facteurs comme le racisme, la xénophobie, l’âgisme ou le classisme. L’enchevêtrement des représentations négatives de l’Islam, notamment autour des enjeux liés au terrorisme, au féminisme et à l’immigration, oblige notamment à prendre en compte la dimension intersectionnelle des phénomènes de rejet dont ces adeptes sont l’objet. En cela, l’ampleur des agressions tous motifs confondus qui affectent les musulmans vivant en France ne peut se réduire uniquement à celles liées à leur religion. »
Le Monde.fr