Des messages de « hackers musulmans contre la France » se sont affichés dimanche 25 octobre sur des dizaines de sites Internet français. Le parquet de Paris a annoncé l’ouverture d’une enquête sur le sujet.
Le parquet de Paris a ouvert, mardi 27 octobre, une enquête après le piratage de dizaines de petits sites Internet en France sur lesquels se sont affichés des messages de propagande islamiste. L’enquête a été ouverte, selon des informations confirmées au Monde après avoir été publiées dans un premier temps par l’Agence France-Presse (AFP), pour des « atteintes à un système de traitement automatisé de données » et pour « apologie publique d’un acte de terrorisme ».
La procédure a été confiée au centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) de la gendarmerie, qui doit travailler en lien avec plusieurs services d’enquête locaux en France. Selon les précisions données au Monde, le travail de recension et de recherche reste actuellement en cours pour savoir si les piratages de sites, constatés principalement dimanche 25 octobre, ont été, ou non, le résultat d’une attaque coordonnée menée par des acteurs ayant agi avec un même mode opératoire sur divers sites Internet français. Ou s’ils ont eu lieu de la part de plusieurs pirates éparpillés et sans liens entre eux, qui auraient voulu répliquer des piratages observés ailleurs : un tel cas de figure pourrait, dans ce cas, donner lieu à d’autres procédures distinctes de l’enquête ouverte par le parquet de Paris.
Certains des sites français piratés ces dernières heures, recensés sur le site spécialisé Zone-H, semblent, en tout cas, avoir été pris pour cibles par au moins quatre groupes différents, si l’on en croit les images et les messages différents s’y affichant. Les administrateurs d’un groupe Facebook spécialisé en « hacking », basé au Bangladesh et fort de presque deux millions de membres, ont, eux, revendiqué, dimanche, le défacement d’une dizaine de sites français.
« Hackers musulmans »
Ces piratages ont été constatés alors que se multipliaient, le week-end du 24 et 25 octobre, les appels au boycott des produits français dans plusieurs pays musulmans. Des appels qui avaient eu lieu en réaction à la défense par Emmanuel Macron de la liberté de caricaturer Mahomet, réaffirmée lors de la cérémonie en hommage à Samuel Paty – des propos qui ont conduit à de nombreuses tensions depuis, notamment avec la Turquie, et à des manifestations dans plusieurs pays contre la France.
C’est dans ce contexte que des messages tels que « Victoire pour Mohammed, victoire pour l’islam et mort à la France » ou « Opération lancée par des hackers musulmans contre la France pour avoir insulté le prophète Mahomet et profané publiquement l’islam »se sont affichés sur la page d’accueil de plusieurs sites Internet. Au point où, dimanche 25 octobre, le dispositif national d’assistance aux victimes de cybermalveillance lançait une alerte indiquant qu’une « vague de cyberattaques en défiguration » ciblait de « nombreux sites français ». Lundi 26 octobre, l’AFP a pu constater qu’un montage représentant Emmanuel Macron grimé en cochon était visible sur des sites d’associations de retraités, de commerces ou de petites mairies.
Ces attaques d’un faible niveau technique sont généralement réalisées automatiquement grâce à des logiciels qui détectent et exploitent des failles sur des serveurs et sites Web de faible importance et n’ayant pas procédé à toutes les mises à jour de sécurité. En 2015, des milliers de sites français avaient déjà été la cible de dizaines de groupes de hackeurs qui avaient promu la « défense de l’islam » en affichant des messages de revendication à la place des pages d’accueil. Certains s’en prenaient, à l’époque, aux publications des caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo.
Plusieurs procédures pour « apologie »
Cette enquête intervient par ailleurs alors que plusieurs procédures ont lieu en France après des messages postés en ligne en lien avec l’assassinat de Samuel Paty. Mardi 27 octobre, un lycéen de 16 ans a ainsi été mis en examen par le juge d’instruction de Vesoul « pour apologie et provocation à commettre un acte de terroriste », a indiqué l’AFP. Le suspect a reconnu en garde à vue avoir publié le 20 octobre sur un réseau social – sans qu’on sache lequel – un message menaçant « quelconque mécréant souhaitant salir l’islam ».
Vendredi 23 octobre, une étudiante a, de son côté, été condamnée par le tribunal correctionnel de Besançon à quatre mois de prison avec sursis pour « apologie du terrorisme ». Elle avait posté sur Facebook un message affirmant que Samuel Paty « méritait » de mourir.
Mercredi 21 octobre, le parquet de Paris indiquait qu’en tout « une quinzaine d’enquêtes » pour des faits d’« apologie du terrorisme », « menaces de mort » ou « provocation » au crime avaient été ouvertes depuis l’attentat survenu à Conflans Sainte-Honorine.
Le Monde/ AFP