Le postmodernisme reflète la complexité et la spécialisation qui créent l’anonymat et l’impersonnalité de notre société sous l’œil du grand trompeur. La communauté est désormais atomisée et chacun est renvoyé à sa propre solitude et son insécurité intérieure. Toute la société civile est devenue un lieu d’enfermement où l’homme tranquille est désormais gardé à vue grâce à son portable. Plus nous sommes prisonniers de notre isolement, de notre manque de réactions affectives au monde et, en même temps, plus l’issue dramatique paraît inévitable, et plus pernicieuse devient la nouvelle religion du transhumanisme.
Le rythme actuel des progrès technologiques semble justifier que les projets de l’IA et du transhumanisme soient pris au sérieux. Le transhumanisme est en train de faire émerger l’homme nouveau, mais à quelles conditions ? En voulant éliminer les plus fragiles d’entre nous, comme le préconise la loi sur la « Fin de vie » votée récemment à l’Assemblée nationale, ou se débarrasser de « Ceux qui sont des inutiles », dixit Jacques Attali, et tout cela, au profit du pouvoir économique ?
Le transhumanisme voudrait-il créer un homme « parfait » ? Beaucoup craignent que la possibilité d’améliorer de façon radicale les capacités humaines ne creuse un fossé entre ceux qui feront usage de ces nouvelles technologies et ceux qui ne voudront pas le faire ou ne le pourront faute de moyens, creusant encore plus les inégalités socio-économiques existantes. Si les productions culturelles banalisent le transhumanisme, nous avons le devoir de nous poser des questions sur les nouveaux enjeux éthiques qu’il génèrera. Le projet transhumaniste peut devenir dangereux quand il est transgressif, qu’il touche au patrimoine génétique en voulant modifier le génome humain ou en banalisant un marché de la mort. L’islam condamnerait un transhumanisme areligieux, qui ignore les frontières entre le naturel et l’artificiel, entre matière et esprit, entre vivant et non-vivant.
L’ère de la « corruption générale », de la « vénalité universelle » comme disait Jean Baudrillard, dans laquelle nous sommes plongés, est celle où l’Homme est proposé sur le marché comme une valeur marchande, une vulgaire marchandise, estimée ou pas à sa juste valeur, où, le cas échéant, il pourra exiger notamment en cas d’états dits psychogènes ou de mort sociale, de décider de sa propre fin, au sein d’une société postmoderne qui n’a eu de cesse de creuser un abîme entre le corps et l’esprit.