A La Mecque, le risque du gigantisme

L’accident survenu vendredi 11 septembre 2015 lorsqu’une grue est tombée dans l’enceinte de la grande mosquée de La Mecque a mis en lumière les risques de l’agrandissement continu de ce lieu de pèlerinage.

 

La Mecque, le 12 septembre 2015.     Outre la crainte de mouvements de foule, certains musulmans craignent aussi que le site n’y perde en « spiritualité ».

Une forêt de grues. C’est l’image que découvrent aujourd’hui les pèlerins à leur arrivée à La Mecque, principale ville sainte de l’islam avec Médine, où se trouve le tombeau du prophète Mohammed. En effet, confrontés à l’augmentation constante du nombre des pèlerins – 2 millions environ pour le hadj (ou « grand pèlerinage », précédant la fête de l’Aïd), plus de 3 millions au total sur l’année –, les autorités saoudiennes ont engagé en 2013 de nouveaux travaux d’agrandissement, volontiers qualifiés de « pharaoniques ».

D’innombrables hôtels, parfois de grand luxe, et des centres commerciaux sont en construction dans la ville pour améliorer l’accueil des pèlerins. La « Masjid al-Haram », la mosquée sacrée qui abrite la Kaaba, ou pierre noire, est elle aussi concernée. Environ 4 000 ouvriers se relaient 24 heures sur 24 sur ce site, rapporte la Saudi Gazette , témoignant du souhait des autorités d’achever ces travaux pour le mois de Ramadan, durant lequel de nombreux musulmans effectuent la « omra » ou petit pèlerinage.

Risques de ces agrandissements

L’effondrement d’une grue, vendredi 11 septembre 2015, qui a provoqué la mort de 107 pèlerins a mis en lumière les risques de ces agrandissements. L’objectif des autorités est de porter la capacité du « mataf », l’esplanade autour de la Kaaba où les pèlerins effectuent le tawaf (ou circumambulation) à 105 000 pèlerins par heure. Quatre plate-formes superposées sont en construction dans ce but.

Quelques critiques pointent ici ou là sur le gigantisme des travaux, la destruction de certaines parties les plus anciennes de la grande mosquée, ou la difficulté pour les pèlerins de se recueillir. La Mecque « perd de sa spiritualité », regrette ainsi Irfan al-Alawi, co-créateur de la Fondation pour la recherche du patrimoine islamique basée à la Mecque, interrogé par l’AFP. « Ce genre d’ambiance n’existe pas autour du Vatican. Alors pourquoi le fait-on ici ? »

Pour ce spécialiste, les autorités ont également fait preuve de négligence face au danger représenté par ces grues. « Elles ne se préoccupent pas du patrimoine et elles se moquent de la santé et de la sécurité », dénonce-t-il. Régulièrement ces dernières années, des bousculades suivies de mouvements de panique ont causé la mort de centaines de pèlerins.

Les rites du « hadj »

De leur côté, les autorités saoudiennes ont affirmé que l’accident « n’affectera en aucun cas le hadj », et que les dégâts seraient « probablement réparés en quelques jours ».

De fait, de nombreux pèlerins sont déjà arrivés sur place pour y effectuer les rites du « hadj », l’un des cinq piliers de l’islam, et fêter sur place l’Aïd-el-Adha le 24 septembre.

Le premier jour, ils font sept fois le tour de la Kaaba, puis sept allers-retours entre Safâ et Marwah, deux petites collines aujourd’hui intégrées à la grande mosquée, avant de s’abreuver à l’eau de Zamzam, une source que Dieu aurait fait surgir pour désaltérer Agar, servante d’Abraham, et son fils Ismaël.

La veille de l’Aïd, ils se rendent sur le mont Arafat pour s’y tenir debout. Au lendemain du sacrifice, ils se rendent à Mina, où ils procèdent au rituel de la lapidation de Satan, puis retournent à la Mecque pour une dernière circumambulation.

L’Arabie saoudite, pays hôte, définit elle-même chaque année le nombre de pèlerins autorisés à effectuer le pèlerinage et accorde à chaque pays un quota de visas. Un nombre en baisse de 20 % en moyenne depuis le lancement des travaux, ce qui n’est pas sans susciter frustrations du côté des pèlerins et trafics du côté des agences de voyage.

 

La Croix

 

F. Achouri

Sociologue.

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