Dans une société où les valeurs morales vont à vau-l’eau, sur fond d’un sentiment anti-musulmans prégnant, la dénaturation d’un monument religieux est non seulement une défiguration du patrimoine historique mais aussi une plaie béante que le temps ne parviendra jamais à cicatriser.
En Bulgarie, à Plovdiv, la deuxième ville du pays, le droit moral d’une œuvre architecturale, en l’occurrence de la mosquée Taskopru, véritable joyau de l’ère ottomane, datant du 16ème siècle, n’a cessé d’être bafoué pour, au final, détourner le lieu de culte de sa vocation première et le transformer en un improbable bar/restaurant.
Ce ne sont pas les états d’âme qui ont hanté les nuits des autorités de la localité, quand la mosquée a été livrée en 1990 à deux Bulgares sans scrupules, au lieu de retourner dans le giron du mufti régional, et ce, sous les yeux impuissants d’une communauté musulmane, désespérément en quête d’argent pour préserver son lieu de culte.
Depuis 1928, date à laquelle un tremblement de terre de sinistre mémoire a causé de graves dommages à l’édifice, l’histoire de la mosquée de Taskopru a été jalonnée d’épreuves liées à sa reconstruction onéreuse et à la mainmise de la politique.
Ayant échoué à réunir la somme nécessaire à sa rénovation, les représentants de la communauté musulmane ont dû se résoudre à vendre une partie du terrain sur lequel elle était implantée, la mosquée restant portes closes jusqu’à l’arrivée au pouvoir du régime communiste en 1944, qui l’a purement et simplement confisquée, la fermant à double tour pendant des décennies.
La chute de l’Union soviétique en 1989 a certes inauguré une nouvelle ère, les biens confisqués retournant à leurs propriétaires spoliés, sauf pour la mosquée de Taskopru qui a fait l’objet d’une loi d’exception en ne revenant pas d’office aux musulmans.
Au fil des décennies, l’indignation et le profond sentiment d’injustice n’ont fait que croître chez les musulmans de Plovdiv, lesquels semblent avoir aujourd’hui atteint leur seuil de tolérance devant une mosquée occupée successivement par une « taverne grecque », un « restaurant italien », et un bar permanent où l’alcool coule à flots.
« Il est insupportable pour nous que la mosquée demeure fermée au culte, » déplore vivement Ahmed Ersin, Mufti de la région de Plovdiv, renchérissant: « Nous vivons un deuil impossible à faire, d’autant plus quand on voit ce que notre lieu de culte est devenu : un vulgaire bar, qui sert des boissons alcoolisées, comment voulez-vous que l’on tolère cela? ».
Après avoir longtemps subi la situation, faute d’être parvenu à collecter les 600 000 euros exigés par les actuels propriétaires du lieu de culte, le Bureau du Grand Mufti Mustafa Haji Alis est déterminé à ouvrir un dossier spécial mosquée de Taskopru pour récupérer un bien dont les musulmans bulgares ont été indûment dépossédés.
Source : Oumma