La laïcité peut-elle justifier l’exclusion des femmes musulmanes portant le voile dans les compétitions sportives ? Oui, pour une majorité de sénateurs qui ont voté, mardi 18 février, pour une loi inscrivant l’interdiction du port des signes religieux – du voile en particulier – dans le code du sport. Le texte, qui impose également le respect des principes de neutralité dans les piscines, a été adopté au Sénat par 210 voix contre 81. Cette fois avec le soutien du gouvernement, qui opère un virage sur la question. Car l’exécutif soutient désormais « avec force » la proposition de loi qui prohibe le port du voile dans les compétitions organisées par les fédérations sportives, y compris au niveau amateur, qu’elles soient de niveau départemental, régional ou national.
Pour François-Noël Buffet, ministre délégué auprès de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, cette loi « apporte une pierre bienvenue dans l’édifice qu’ensemble nous devons construire depuis des années contre toutes les formes de séparatisme ». Elle suscite néanmoins de fortes oppositions à gauche, qui y voit une nouvelle mesure de stigmatisation des sportives musulmanes. « En utilisant ce principe fondateur pour servir votre récit antimusulman, vous ne faites que nourrir les confusions, les approximations et les stéréotypes », a fustigé Patrick Kanner, président des sénateurs socialistes. L’ancien ministre des Sports a assuré que « ces interdictions entraîneront à coup sûr, et vous le savez bien, une exclusion sociale dévastatrice pour ces femmes pour qui le sport est un canal essentiel de sociabilité, d’intégration et de bien-être physique et mental. »
Selon la vice-présidente de la Fédération française de handball Béatrice Barbusse, opposée à une telle interdiction, la mesure aura « des conséquences désastreuses sur ces femmes : perte de confiance, déclassement, colère ». La FFHandball fait partie des fédérations françaises qui n’ont pas inscrit l’interdiction des signes religieux dans leurs règlements.
Pour Amnesty International, l’interdiction du voile dans tous les sports « bafouerait les droits humains et viserait spécifiquement les femmes et les jeunes filles musulmanes ». « Si le but affiché est d’assurer le respect du principe de “laïcité”, dans les faits, ces lois visent spécifiquement et affectent de manière disproportionnée les droits des femmes et des jeunes filles musulmanes, qui seront exclues des compétitions sportives si elles portent un foulard ou tout autre vêtement religieux », souligne Anna Błuś, spécialiste à Amnesty International de la justice de genre en Europe.
« En plaçant le port du foulard parmi les « atteintes à la laïcité », qui vont de la « permissivité » au « terrorisme », cette législation, si elle était adoptée, alimenterait le racisme et renforcerait l’environnement de plus en plus hostile auquel sont confrontés les musulman·e·s et les personnes perçues comme telles en France, martèle l’organisation de défense des droits humains. En effet, le fait de présenter le foulard comme une menace pour la sécurité ou de le pointer du doigt comme un symbole d’oppression des femmes sont au cœur des stéréotypes négatifs et discriminatoires qui touchent les femmes musulmanes en raison de leur religion. » La proposition de loi sera soumise prochainement au vote à l’Assemblée nationale.
Saphirnews