Egalité hommes-femmes : et si l‘islam en France s’inspirait des réformes de la Tunisie ?

Ce n’est pas un hasard si Neziha Labidi a choisi Paris et, plus précisément, la Sorbonne, un lieu emblématique qu’elle connaît bien pour y avoir étudié. La ministre tunisienne a souhaité que le dernier événement du programme « Tunis, capitale de la Femme arabe 2018-2019 » se déroule dans ce haut lieu international du savoir. Car le savoir est une des solutions pour lutter contre toute forme d’intégrisme et de terrorisme. Mais il faut y voir également une volonté d’unir les deux rives de la Méditerranée en réunissant des spécialistes et des représentants officiels afin de rendre internationales ses actions en faveur de l’égalité hommes-femmes.

Dans notre monde devenu un village planétaire de par la mondialisation, il est nécessaire d’avoir des normes communes car les problèmes sont mondialisés, pour ne citer que le changement climatique, les inégalités sociales, la lutte contre la pauvreté ou le terrorisme. Réseau international et savoir sont ainsi les deux piliers sur lesquels s’appuie la ministre qui souhaite rassembler et fédérer autour des nombreuses réformes et actions en faveur de l’égalité hommes-femmes que la Tunisie met en place ces dernières années.


Des réformes tunisiennes en faveur de l’égalité hommes-femmes

La Tunisie propose des projets de réforme inédits dans le monde arabe, renouant ainsi avec son passé réformateur initié dès le XIXe siècle. Pionnière en matière des droits des femmes dans le monde arabe, notamment depuis le président Habib Bourguiba, la Tunisie a adopté une nouvelle Constitution en 2014 où les « citoyens et citoyennes sont égaux en droits en en devoirs », ce qui inclut bien sûr des réformes visant à abolir des dispositions jugées rétrogrades.

En 2017, le Parlement tunisien a voté une loi visant à en finir avec toutes les formes de violences contre les femmes. Ainsi, la ministre Neziha Labidi, qui a soutenu ce projet historique depuis le début, a réussi à faire voter un texte dont découlent de nombreuses réformes, notamment la suppression de la possibilité pour l’auteur d’un viol sur mineure d’échapper aux poursuites en épousant sa victime. Bien sûr, il existe toujours un décalage entre les lois et leur application réelle dans la société. Ainsi, il est à espérer que des programmes spécifiques initiés par le gouvernement tunisien permettront d’ancrer ces principes dans la société.


Une influence des réformes tunisiennes bien au-delà de ses frontières

Les réformes tunisiennes, comme l’égalité successorale hommes-femmes discutée actuellement, déclenchent bien sûr des débats en Tunisie et bien au-delà de ses frontières. Dans le riche programme de « Tunis, capitale de la femme arabe 2018-2019 », il est à noter en août 2018 un événement exceptionnel tant par sa portée symbolique que diplomatique : la tenue du premier conseil ministériel maghrébin des ministres de la femme et de la famille. Cinq premiers pays ont décidé de créer ce conseil et de se réunir régulièrement afin de coordonner des actions communes en faveur des femmes et de la famille, à savoir la Tunisie, Le Maroc, la Mauritanie, la Libye et l’Algérie.

Œuvrant pour le rayonnement à l’international de la Tunisie, le président tunisien Béji Caid Essebsi, invité à Malte à coprésider le 6 février dernier une conférence sur l’égalité des genres avec son homologue maltaise, a déclaré être convaincu qu’il n’y avait pas de démocratie sans présence de la femme dans la vie publique. Ces réformes s’appliquent à la vie publique mais ne souhaitent pas s’opposer à la religion, l’islam en l’occurrence, qui fait partie d’un socle identitaire tunisien aux influences multiples et plurielles. Au contraire, les réformes actuelles du gouvernement tunisien apportent une vision contemporaine et respectueuse de l’islam.

 

La vision contemporaine de l’islam en Tunisie pourraient inspirer l’islam en France

Ainsi, le culte musulman français dont l’organisation est en pleine mutation pourrait s’inspirer des réformes et des bonnes pratiques initiées par la Tunisie pour permettre, enfin, aux femmes d’être présentes, à égalité avec les hommes, dans les instances de prise de décisions ou de représentation des différentes associations et fédérations musulmanes françaises. L’égalité hommes-femmes à tous les niveaux de l’organisation devrait être une priorité dans les chantiers de réforme du culte musulman en France.

A l’heure actuelle, il est utile de rappeler que les femmes sont absentes de ces instances de prises de décisions ou de représentation, à quelques rares exceptions près. La visibilité des femmes est également trop minorée dans les cercles intellectuels et culturels, dans les conférences, en lien avec la pensée et culture d’islam.

Les organisations musulmanes, cultuelles ou culturelles, devraient se sentir davantage impliquées dans le chantier sur la parité entre les hommes et les femmes entrepris dans la société française. Car rien n’interdit cette parité en islam qui, bien au contraire, permet aux femmes de prendre leur place dans la société et dans la vie religieuse à égalité avec les hommes.

Saphirnews

F. Achouri

Sociologue.

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