En France, le financement des mosquées reste tributaire de l’étranger

En versant 1,8 million d’euros à l’association musulmane de Roissy-en-Brie (Seine-et-Marne), le sultan d’Oman devrait permettre l’achèvement de la construction de sa mosquée.

La loi française interdisant tout financement public, les projets en cours restent tributaires des dons étrangers.

Que dit la loi ?

La loi de 1905 interdit le financement public des cultes en France, et donc tout versement de subventions directes ou indirectes pour la construction d’un édifice cultuel, comme pour son fonctionnement. Les mairies peuvent toutefois aider les associations musulmanes par la signature d’un bail emphytéotique (de longue durée, il se traduit généralement par un loyer modeste) ou la garantie de leur emprunt bancaire. Le financement « sous couvert d’activités culturelles » est lui aussi fréquent, l’association musulmane s’engageant à construire, en plus d’une salle de prière, un lieu d’accueil d’expositions ou autres manifestations culturelles.

Comment s’opère la collecte ?

« Traditionnellement, l’association collecte les fonds dans son premier cercle (quartier, ville ou région), au moyen de quêtes organisées le vendredi, lorsqu’il y a le plus de monde », explique Baddre-Eddine Bentaïb, fondateur du site Internet Trouvetamosquee.fr. Une solidarité s’organise d’ailleurs entre lieux de culte, ceux-ci réservant souvent l’un (ou plus) de leurs créneaux à un autre projet de construction. Si, aujourd’hui, la capacité financière de la communauté musulmane s’est accrue – ses chefs d’entreprise sont ainsi fréquemment sollicités –, la concurrence s’est en revanche durcie avec la multiplication des projets de mosquées et d’écoles musulmanes. « Elle pousse les associations à plus de professionnalisation », observe Baddre-Eddine Bentaïb, qui conseille plusieurs d’entre elles.

Rares sont les associations qui parviennent à réunir la totalité de la somme sur place. Le plus souvent s’ajoutent donc des fonds en provenance des pays d’origine : très actif en la matière, le Maroc est ainsi le propriétaire de la mosquée de Saint-Étienne. Les pays du Golfe figurent également parmi ces généreux donateurs : l’Arabie saoudite, qui a installé à Mantes-la-Jolie (Yvelines) le bureau de sa Ligue islamique mondiale, Dubaï (Émirats arabes unis), le Qatar, ou plus rarement, comme dans le cas de Roissy-en-Brie (Seine-et-Marne), le sultanat d’Oman.

Quels problèmes cela pose-t-il ?

Aux yeux de Baddre-Eddine Bentaïb, ce soutien étranger ne traduit qu’une obligation religieuse : « Le don est fait pour Dieu, pour assurer son au-delà. » Inquiets d’une possible mainmise étrangère, certains maires imposent parfois des conditions à leur soutien, comme – à Marseille – l’interdiction de recevoir plus de 20 % de la somme d’un même donateur. Le ministre de l’intérieur Manuel Valls s’est prononcé pour une « évolution de la loi de 1905 afin de permettre la construction des lieux de culte à travers un financement transparent, et par conséquent public ». D’autant que la Fondation des œuvres de l’islam, créée en 2005 sous l’égide du ministère de l’intérieur pour favoriser cette transparence, n’a jamais fonctionné.

L’intervention de la mairie, quant à elle, n’est pas non plus exempte d’inconvénient. Confrontés à plusieurs demandes, certains maires choisissent parfois d’en privilégier une, voire de susciter la création d’une autre association « avec un président plus docile », constate Badre-Eddine Bentaïb. Et les enjeux électoralistes ne sont jamais absents.

 

Source : La Croix

 

F. Achouri

Sociologue.

Nos services s'adressent notamment aux organisations publiques et privées désireuses de mieux comprendre leur environnement.

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