« En Iran, la surveillance des chrétiens s’est accrue »

Alors que les Iraniens sont appelés à élire vendredi 14 juin le successeur du président Mahmoud Ahmadinejad, au cours d’un premier tour de scrutin, les chrétiens espèrent une ouverture de la République islamique.

Selon le P. Pierre Humblot, prêtre du Prado qui a desservi le diocèse de Téhéran de l’Église chaldéenne pendant plus de quarante ans avant de devoir quitter le pays en 2010 et qui continue son ministère auprès des convertis au christianisme depuis Paris, le régime s’est durci contre eux.

 

Le sort des chrétiens d’Iran a-t-il empiré sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, élu en 2005 et réélu en 2009 ? 

 

 P. Pierre Humblot : La surveillance des chrétiens à travers tout le territoire s’est accrue. Il y a quinze jours, un de mes amis, le pasteur Robert Assyrian, responsable pentecôtiste, a été arrêté durant le culte, et il n’a toujours pas été libéré. Ce n’est pas la première fois que cela arrive. Le réseau évangélique Portes ouvertes – qui défend les chrétiens persécutés dans le monde – estime à 42 le nombre de chrétiens emprisonnés, cela me paraît probable.

Ce qui est certain, c’est que de plus en plus de lieux de culte protestants sont fermés, en particulier les églises de maison qui rassemblent des musulmans convertis au christianisme, à travers tout le territoire.

Et la pression s’est accrue aussi à l’encontre des Églises traditionnelles, arméniennes et assyro-chaldéennes, donc des chrétiens d’origine. Elles n’ont pas le droit d’accueillir quiconque n’est pas de leur ethnie. Elles sont infiltrées de personnes qui renseignent la police politico-religieuse. Leurs responsables sont obligés de faire très attention. D’autant que, bien souvent, ils viennent de l’étranger, et peuvent être mis à la porte à la moindre incartade. Il leur est absolument interdit de célébrer ou de parler en persan et cette interdiction se renforce de plus en plus. Le régime cherche à enfermer ces Églises dans leur ethnie, de façon à empêcher toute influence sur la population qui parle le persan.

 Les chrétiens emprisonnés sont-ils soumis à la torture ? 

 P. P. H. : Je connais pour ma part des cas bien précis, des jeunes notamment, qui sont ressortis de prison infirmes pour la vie, mais ce ne sont pas des faits nouveaux, cela remonte à trois ou quatre ans.

 Comment expliquez-vous ce durcissement ? 

 P. P. H. : Le régime s’est durci surtout depuis les déclarations d’Ali Khamenei, guide de la Révolution (NDLR : l’autorité suprême du régime), il y a deux ans, contre la vague de conversions au christianisme. La réaction du régime vient, selon moi, de l’ampleur de ces conversions. Certains exagèrent un peu les chiffres mais il est sûr que cette vague enfle malgré les risques de persécution. Et l’émigration de ces convertis s’accélère aussi, du fait des dangers qu’ils encourent.

 À quoi tient ce phénomène ? 

 P. P. H. : Les jeunes, surtout de milieu étudiant, sont lassés de la propagande religieuse des mollahs et influencés par les magnifiques mystiques musulmans qui les attirent au-delà d’une loi religieuse pesante et contrôlée par la police politico-religieuse. Beaucoup, hélas, glissent vers la drogue ou autre, mais un certain nombre s’oriente vers Jésus-Christ. Je recueille de nombreux témoignages de musulmans qui se sont convertis après un songe ou après la rencontre d’un chrétien.

Depuis Paris, je passe beaucoup de temps chaque jour à répondre en persan aux questions de correspondants iraniens sur Jésus-Christ, sur l’Évangile. Ils témoignent d’une recherche profonde, mais sont isolés, sans Église. Ils n’ont que l’Évangile, l’Esprit Saint et la persécution, encore faut-il qu’ils puissent tenir…

 Que peut-on attendre des élections ? 

 P. P. H. : Cela dépendra du résultat, sachant qu’il n’y a qu’un seul candidat réformateur, Hassan Rohani. S’il est élu, il pourra peut-être faire évoluer la situation, mais cela me semble peu évident, étant donné que l’opposition aux conversions vient du guide suprême…

 Le synode de l’Église chaldéenne vient de s’achever. Quelles peuvent être les répercussions pour les chrétiens d’Iran ? 

 P. P. H. : Le nouveau patriarche, S. B. Louis Raphaël Ier Sako, a réagi vivement contre la tentation de repli des chaldéens sur leur ethnie. Certains notables iraniens vont certainement critiquer ces options. Mais elles sont essentielles à une ouverture de cette Église où beaucoup de fidèles se proclament d’abord chaldéens avant d’être chrétiens. En Iran, cela encouragera aussi ceux qui sont en train de se convertir ou l’ont déjà fait et qui ont été très mal – ou pas du tout – reçus dans les Églises traditionnelles.

 

Source : La Croix

 

 

 

F. Achouri

Sociologue.

Nos services s'adressent notamment aux organisations publiques et privées désireuses de mieux comprendre leur environnement.

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