Si ses pierres pouvaient parler, elles témoigneraient de la lumineuse présence musulmane en Andalousie, au cours d’un âge d’or foisonnant où la tolérance religieuse s’épanouissait à la seule vue de sa splendeur, la Grande mosquée de Cordoue, monument phare de l’architecture islamique, convertie en église au xvie siècle après la Reconquista, puis en cathédrale, est actuellement au cœur d’âpres débats, à l’ombre desquels seuls les sombres desseins se font jour
Classée au patrimoine mondial de l’Unesco en 1984, la mosquée-cathédrale qui, aux yeux émerveillés du monde, reste et restera à jamais la majestueuse Mezquita de Cordoba, attise la convoitise de l’Eglise catholique, son actuel locataire, qui aimerait la voir quitter la sphère publique pour passer dans son giron définitivement.
Une acquisition impensable pour les musulmans espagnols, qui s’insurgent contre ce qu’ils considèrent être une volonté à peine voilée de christianiser un bâtiment prestigieux, symbole de la richesse de l’islam médiéval mais aussi de la diversité culturelle d’une époque florissante, qui appartient au patrimoine historique de l’ensemble des Espagnols.
Alors que l’Eglise catholique ne fait pas mystère de ses intentions, ayant joint le geste à la parole en sollicitant officiellement l’Etat pour devenir propriétaire des lieux, l’indignation des musulmans est à son comble, partagée par un éminent professeur de droit civil de l’Université de Cordoue, Manuel Antonio Rodriguez, qui n’a pas mâché ses mots dans un entretien au Irish Times : « La Mezquita [la Grande Mosquée de Cordoue] est un symbole mondial de la rencontre des cultures et aujourd’hui plus que jamais le monde a besoin de tels symboles« a-t-il déclaré, tout en accusant l’archevêque de la ville de compromettre irrémédiablement ce symbolisme en intriguant pour s’adjuger la propriété d’une enceinte prestigieuse.
Une dénonciation en entraînant une autre, Manuel Antonio Rodriguez a même soulevé un gros lièvre en révélant une faille juridique dans les lois de propriété foncière datant de la dictature de Franco, qui a permis à l’Eglise Catholique d’administrer la mosquée de « manière abusive« , allant jusqu’à alerter les autorités espagnoles et l’opinion publique sur l’épée de Damoclès qui pèse désormais sur la Grande mosquée de Cordoue : perdre son classement au patrimoine mondial de l’Unesco si « la christianisation de la Mezquita se poursuivait« .
Loin d’être une vue de l’esprit, la christianisation de la Mezquita de Cordoba est un mouvement amorcé depuis longtemps, et auquel Demetrio Fernandez, l’archevêque en personne, a donné un puissant coup d’accélérateur en 2010 en parvenant à faire bannir le terme de « mosquée » au profit de « cathédrale » sur toutes les brochures touristiques et les plaques de rue.
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