Fin de vie : pourquoi les responsables religieux s’opposent fermement au «droit à l’aide à mourir »

Alors que la proposition de loi relative au « droit à l’aide à mourir » fera l’objet d’un vote solennel, ce mardi 27 mai, à l’Assemblée nationale, les responsables des principaux cultes de France font valoir leurs vives inquiétudes « face aux risques de dérives éthiques et sociales » qu’introduirait une telle législation dans le pays.

Après plusieurs jours d’âpres débats dans l’hémicycle, les députés ont achevé, samedi 24 mai, l’examen de la proposition de loi relative au « droit à l’aide à mourir ». Alors qu’un vote solennel sur ce texte – et celui portant sur les soins palliatifs – est prévu mardi 27 mai, que disent les principaux responsables religieux français ? La Conférence des responsables de culte en France (CRCF), qui réunit les cultes catholique, protestant, orthodoxe, juif, musulman et bouddhiste*, s’est exprimée mi-mai sur ce sujet très sensible. Faisant de nouveau valoir « sa vive inquiétude face aux risques de dérives éthiques et sociales »qu’implique la proposition de loi portée par Olivier Falorni (MoDem), elle a mis en garde sur « les dangers d’une rupture anthropologique ».

Unis pour dénoncer « un dévoiement de la médecine »

« Derrière une apparente volonté de compassion et d’encadrement, ce texte opère un basculement radical : il introduit légalement la possibilité d’administrer la mort – par suicide assisté ou euthanasie – en bouleversant profondément les fondements de l’éthique médicale et sociale », alerte-t-elle. 

« La terminologie choisie – « aide à mourir » – masque la nature véritable de l’acte : l’administration volontaire d’un produit létal. Ce vocabulaire euphémisant, que la Haute autorité de Santé elle-même qualifie de source de confusion éthique, dénature les mots pour désamorcer la gravité morale de l’acte », assure la CRCF. Pire encore, « l’intégration de l’aide à mourir dans le Code de la santé publique constitue un dévoiement de la médecine » et « heurte frontalement le serment d’Hippocrate et le principe fondamental du soin, qui vise à soulager, sans jamais tuer ». 

Dans la version initiale de la proposition de loi, un médecin seul pouvait autoriser un acte létal dès lors que la personne réclamant « l’aide à mourir » remplit les critères d’éligibilité. Ils sont au nombre de cinq : être âgé d’au moins 18 ans, être Français ou résider en France, être atteint d’une « affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale », un mal qui provoque une « souffrance physique ou psychologique » réfractaire aux traitements ou insupportable pour la personne, et être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. 

Les députés ont finalement voté à la majorité la nécessité pour le médecin de convoquer au moins un spécialiste et un soignant impliqué dans le traitement de la personne pour donner leur avis. La procédure est davantage collégiale, mais cela est encore loin de satisfaire les responsables religieux. D’autant qu’un délit d’entrave à « l’aide à mourir », similaire au délit d’entrave aux interruptions volontaires de grossesse (IVG), a été approuvé, samedi 24 mai, par les parlementaires. La peine encourue pour toute personne empêchant de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir sera de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende.

« Légaliser la mort administrée ne sera pas un progrès »

« L’instauration de ce « droit » risque d’exercer une pression sourde mais réelle sur les personnes âgées, malades ou en situation de handicap. La seule existence d’une telle option peut induire chez des patients une culpabilité toxique – celle d’ »être un fardeau » », tranche la CRCF. « Dans les pays où l’euthanasie a été légalisée, les demandes ne cessent d’augmenter, et on observe une baisse inquiétante de l’investissement dans les soins palliatifs. Ainsi la promesse d’un accompagnement digne tend à s’effacer derrière une option terminale présentée comme solution. » 

Par ailleurs, la loi, si elle est adoptée en l’état, « érige l’autodétermination individuelle en absolu en écartant toute information ou consultation de proches, de l’équipe soignante, et tout accompagnement spirituel ou psychologique »« Ce choix solitaire risque fort d’occasionner des traumatismes et de blessures durables, notamment dans le cas d’une découverte a posteriori du décès d’un proche aidé au suicide ou euthanasié », estime-t-elle. 

« Devant cette possible rupture anthropologique », la CRCF appelle les parlementaires « à faire preuve de discernement ». A ses yeux, « légaliser la mort administrée ne sera pas un progrès, mais une régression éthique, sociale et médicale. Il faut choisir l’investissement dans les soins palliatifs, la formation à l’écoute, l’accompagnement global des personnes jusqu’à la fin de leur vie ». Avant de conclure que « ce choix est celui de l’humanité contre l’abandon, de la relation contre la solitude, du soin contre la résignation ». Une fois adoptée par l’Assemblée nationale, la proposition de loi sera alors transmise au Sénat pour examen. 

*Les membres du CRCF ayant signé la déclaration sont le pasteur Christian Krieger, président de la Fédération protestante de France (FPF), Monseigneur Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF), Monseigneur Dimitrios, Président de l’Assemblée des évêques orthodoxe de France (AEOF), Haïm Korsia, Grand rabbin de France, Mohammed Moussaoui, président de l’Union des mosquées de France (UMF), Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris, et Antony Boussemart, président de l’Union bouddhiste de France (UBF). 

Saphirnews.

F. Achouri

Sociologue et consultante en développement des ressources humaines.

Articles recommandés