FN, abstention… des évêques analysent le résultat des régionales

En Lorraine ou en Picardie, les évêques expliquent le succès du Front national aux élections régionales par un sentiment d’abandon toujours plus grand des citoyens, dont les préoccupations sont ignorées par les grands partis.

« Comportements à risque », « réactions épidermiques », vote contestataire et non d’adhésion : c’est ainsi que les évêques définissent les conséquences de la détresse populaire.

Les résultats du premier tour des élections régionales ont confirmé la montée du Front National. Selon un sondage Ifop publié dans Pèlerin lundi 7 décembre,les catholiques pratiquants eux-mêmes sont de plus en plus tentés par l’extrême droite.

Dans le département de l’Oise, où le Front National a totalisé 42 % des voix au premier tour, l’évêque de Beauvais observe la tentation de « comportements à risque » nés d’un sentiment des citoyens de ne pas être entendus. « Dans mes contacts, je constate une attitude de contestation d’un establishment », rapporte Mgr Jacques Benoit-Gonnin, qui déplore que « la classe politique n’ait pas su préparer les populations à l’inéluctabilité des changements, notamment sociétaux ».

À cela s’ajoute un flou dans l’esprit des électeurs. « Certains courants, regrette l’évêque, par nature ou par parti pris, ont imposé des visions sur lesquelles les gens n’ont pas assez de recul. Une partie de leurs décisions n’ont pas été assez travaillées. » En témoignent à ses yeux « les programmes électoraux, trop globaux, pas suffisamment connectés aux problèmes de la région ».

Dans un communiqué, Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre et président du Conseil famille et société de la Conférence des évêques de France, encourage de son côté les électeurs de son diocèse et de Normandie à ne pas laisser « parasiter » les enjeux des régionales « par des promesses électorales ou des discours idéologiques » qui ne concernent pas les compétences de la région.

L’EMPLOI, PREMIER FACTEUR D’INQUIÉTUDE
En Moselle et plus largement en Lorraine, « ce sentiment d’abandon et de non-respect se nourrit des blessures liées aux fermetures des charbonnages et à la fin des fleurons sidérurgiques, d’un ancien modèle industriel », confie l’évêque de Metz, où la liste FN de Florian Philippot a recueilli 28,8 % des voix. « Les gens savent qu’ils ne retrouveront plus de travail», regrette Mgr Jean-Christophe Lagleize.

Une préoccupation que confirme le sondage Ifop, selon lequel l’emploi est le thème qui joue le plus dans la décision de vote, devant les problèmes d’insécurité ou des migrants.

« Je constate une inquiétude chez nos concitoyens quant à l’évolution de la société, qui n’est toutefois pas liée forcément à la présence croissante des migrants », relate aussi Mgr Benoit-Gonnin.

ABSTENTION RECORD
Conséquence de ce pessimisme : une abstention record. Au Havre, où le taux de participation a à peine dépassé les 37 %, Mgr Brunin a vivement encouragé l’électorat « à se mobiliser pour exercer pleinement (son) devoir de citoyen » lors du second tour.

« En nous abstenant de voter, nous désertons, de fait, le chantier de notre avenir commun », prévient le président du conseil Famille et société de la CEF.

Combinée à un refus persistant de prendre en compte les votes blancs et nuls, l’abstention « fragilise la démocratie », renchérit Mgr Lagleize à Metz, pour qui cet affaiblissement « est aussi grave que la montée du Front National ».

Le bon score du FN, néanmoins, « ne témoigne pas d’un vote d’adhésion », tempère l’évêque de Metz, mais relève plus d’un « coup de semonce motivé par une réaction épidermique, à laquelle les grands partis doivent impérativement répondre par un nouveau discours ».

 

La Croix

F. Achouri

Sociologue.

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