Face aux « courants intégristes » de l’islam, l’UOIF veut des représentants musulmans « crédibles »
Dénonçant à nouveau « un climat d’islamophobie qui se banalise », suite à l’agression de deux jeunes filles voilées ces dernières semaines à Argenteuil (Val-d’Oise), les responsables de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) ont souligné, mercredi 19 juin, lors d’une conférence de presse, « la grande inquiétude des musulmans » et déploré « le silence » des plus hautes autorités de l’État sur ces affaires.
« Des gens nous contactent pour nous dire qu’ils ont peur. C’est grave que des citoyens perdent confiance en l’égalité et en l’État de droit », a estimé le président sortant de l’organisation, Ahmed Jaballah. Pour autant, a ajouté son successeur, Amar Lasfar, « on ne va pas sombrer dans la culture qui consiste à crier au loup et dire que la France n’aime pas l’islam. La France n’est pas un pays islamophobe ». Mais, a-t-il insisté, « il faut alerter les pouvoirs publics et faire cesser ce genre d’affaires en saisissant systématiquement la justice ».
Commentant aussi leur décision de se retirer des dernières élections du Conseil français du culte musulman (CFCM), les deux responsables, à la tête d’une organisation « propriétaire de 65 mosquées », ont admis un sentiment « d’humiliation » lorsqu’ils ont compris que la présidence tournante de l’instance nationale, prévue par les nouveaux statuts qu’ils avaient adoptés, ne leur serait pas attribuée avant 2017, et ce alors même que les deux autres fédérations, Grande mosquée de Paris (GMP) et Rassemblement des musulmans de France (RMF) l’ont déjà pilotée à deux reprises depuis sa création. « Que reproche-t-on exactement à l’UOIF ? », a lancé M. Lasfar.
« La représentation actuelle n’est pas le reflet de la communauté »
M. Jaballah a plaidé pour une représentation qui ne soit pas que « de façade ». « Est-ce l’intérêt de l’État d’avoir une représentation sans substance, qui tient un discours soi-disant rassurant, ou est-ce l’intérêt de tous d’avoir une vraie représentation qui puisse encadrer la communauté aujourd’hui traversée de courants intégristes ? La représentation actuelle n’est pas le reflet de la communauté. Or le manque de représentation crédible renforce les tendances intégristes », a-t-il insisté dans une allusion aux groupes salafistes, notamment. « C’est un vrai défi pour nous ». L’UOIF, proche des Frères musulmans, est elle-même régulièrement qualifiée d’« d’intégriste » par ses détracteurs.
« L’UOIF a toujours été un interlocuteur loyal avec les pouvoirs publics ; nous plaidons pour un discours sans complaisance mais structuré », a aussi précisé M. Lasfar, qui fait état de « bonnes relations » avec les pouvoirs publics locaux. L’un des buts du nouveau président, par ailleurs fondateur du premier lycée musulman de France, est bien de « banaliser la présence musulmane en France ».
Intégrée au forceps au CFCM lors de sa création en 2003 par le ministre de l’intérieur d’alors, Nicolas Sarkozy, l’UOIF est partagée depuis l’origine sur l’opportunité de participer ou non à la représentation nationale de « l’islam de France » et dénonce l’ingérence des « pays d’origine » dans cette instance. « Sans notre participation, le CFCM ne sera pas forcément mort, mais il sera éprouvé », a commenté M. Lasfar, tout en ajoutant que « l’UOIF ne serait jamais en dehors du jeu car elle fait partie de l’échiquier ». Un message en direction du gouvernement, qui, jusqu’à présent, n’a qu’un interlocuteur – aussi imparfait soit-il –, le CFCM.
Source : Le Monde.fr