La photojournaliste Fatma Hassouna a été tuée à Gaza

La photojournaliste Fatma Hassouna a été tuée à Gaza. Elle était l’héroïne d’un documentaire projeté au Festival de Cannes. Dans celui-ci, elle racontait la guerre depuis les territoires bombardés.

Dans ce film, elle avait l’ambition de montrer ce que peu de journalistes ne réussissent à approcher. Fatma Hassouna est une photojournaliste palestinienne de 25 ans. Elle était devenue pendant plusieurs mois les yeux de la réalisatrice franco iranienne Sepideh Farsi, empêchée d’aller sur place.

« Je l’appelais Fatem, parce que c’est ainsi qu’elle s’est présentée à moi, confie-t-elle à France 3 Côte d’Azur. L’un des réfugiés palestiniens que je filmais au Caire, alors que j’essayais d’entrer à Gaza, m’a mise en contact avec elle. »

Le contact entre les deux femmes s’est fait uniquement par téléphone, le plus souvent en visio.

« Fatma faisait tout pour qu’on puisse se parler, explique la réalisatrice. Elle marchait longtemps dans Gaza, prenant beaucoup de risques, juste pour avoir du réseau. »

Les appels sont enregistrés. Fatma y montre les bâtiments détruits, elle raconte son quotidien. Pendant 200 jours, les appels s’enchaînent.

Le dernier fut celui du mardi 15 avril 2025.

« J’ai appelé Fatem pour lui annoncer la bonne nouvelle : notre film avait été sélectionné. (…) Elle était si heureuse. »

Au Festival de Cannes, le documentaire fait partie de la section indépendante ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion). Dès cette annonce, la réalisatrice commence à entamer des démarches pour que la jeune photojournaliste puisse s’y rendre.

« Quand j’ai su qu’elle acceptait de venir, j’ai immédiatement lancé une demande de visa. Je voulais absolument que ça aboutisse à temps. » 

Le lendemain, Fatma et sa famille mourront sous les bombes israéliennes.

Elle a appris la bonne nouvelle par moi, et le lendemain elle a été tuée.Sepideh Farsi, réalisatrice du film put your soul on your hand and walk (Rêves d’eau production)

à France 3 Côte d’Azur

Fatma était impatiente à l’idée de faire découvrir cette réalité dure, insoutenable : celle des dizaines de milliers de personnes mortes sous les bombes à Gaza, et celle du quotidien de celles et ceux qui restent.

Selon les chiffres des Nations Unies (OCHA) on dénombre 51 000 victimes à Gaza depuis le début de la Guerre. Parmi celles-ci, 409 aides humanitaires et près de 200 journalistes, relais essentiels pour documenter cette guerre. Fatima fait désormais partie de cette longue liste de victimes.

Au festival de Cannes, Fatma existera

Depuis la mort de Fatma, les messages de soutien affluent. « Ça me réchauffe le cœur que son nom résonne, confie la réalisatrice. C’était ce qu’elle voulait. »

Grâce à ce documentaire, la réalisatrice espère que le sort des Palestiniens puisse être évoqué à Cannes.

« J’entends parfois dire que les festivals doivent rester artistiques, apolitiques. Mais pourquoi établir une telle ligne de démarcation ? Quand il s’agit de parler d’un génocide, cette séparation me semble absurde. (…) C’est une guerre contre une population civile qui n’y est pour rien. Ce film existe pour donner un visage et une voix, aux victimes palestiniennes. »

À travers son travail, c’est aussi un regard plus juste que la réalisatrice franco iranienne espère apporter : « Cela fait plus de quinze ans que je ne peux pas retourner dans mon pays. En tant qu’exilée et activiste iranienne, je connais cette manière de tordre la vérité, lorsque le point de vue dominant se substitue à celui des gens qui vivent les choses. Fatem est devenue cette voix qu’il me manquait. Je voulais être un relais pour les Gazaouis. Je connais ce silence qu’on leur impose. »

Dans un communiqué, l’ACID explique « avoir visionné et programmé un film où la force de vie de cette jeune femme tenait de l’ordre du miracle ».

Le film sera projeté lors de cette 78ᵉ édition du festival de Cannes, qui se déroule du 13 au 24 mai 2025 cette année.

Franceinfo

F. Achouri

Sociologue et consultante en développement des ressources humaines.

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