Le refus de la RATP de faire apparaître la mention « Pour les chrétiens d’Orient » sur l’affiche d’un concert du groupe Les Prêtres suscite l’indignation.
La RATP ne veut pas entendre parler des chrétiens d’Orient, pourtant au cœur d’une actualité tragique. Depuis quelques jours, les affiches annonçant le concert du groupe Les prêtres à l’Olympia, le 14 juin prochain, tapissent le métro parisien. Elles devaient porter la mention « Pour les chrétiens d’Orient », mais la compagnie de transport en a demandé le retrait.
Pour Mgr Jean-Michel Di Falco Léandri, évêque de Gap et d’Embrun et créateur du groupe, cette décision « incompréhensible » est la énième preuve d’une mauvaise compréhension de la laïcité.
Les affiches avaient été préparées par TF1, producteur des prêtres, pour indiquer que les recettes du concert seraient reversées à l’œuvre d’Orient. Mais peu après leur installation dans le métro, Mgr di Falco apprend que la RATP a demandé de retirer le logo de l’association et la référence aux chrétiens d’Orient. Aussitôt, il lance un tweet pour exprimer sa « surprise et (sa) désapprobation ». Celui-ci est retweeté plusieurs centaines de fois, la polémique enfle sur les réseaux sociaux.
La RATP assume
Dans un premier temps, la RATP invoque la laïcité pour justifier sa décision auprès du site l’e-media05. Cette explication surprend les observateurs dans la mesure où le principe même du concert des Prêtres, habillés comme tels sur leur affiche, ne pose pas problème à la compagnie.
Contacté par La Vie, le service communication de la régie publicitaire de la RATP, Mediatransports, réserve dans un premier temps sa réponse affirmant être en train de « retracer la genèse de cette décision ».
Plus de 24 heures après le début de la polémique, la RATP réagit par voie de communiqué. Plus question de laïcité, c’est maintenant la neutralité politique et confessionnelle qui est invoquée. Le groupe estime que la mention « Pour les chrétiens d’Orient » se situe « dans le contexte d’un conflit armé à l’étranger ».
La compagnie affirme reconnaître « les atteintes dont sont victimes un certain nombre de minorités dans les pays concernés » mais rappelle « le principe de neutralité du service public qui régit les règles de fonctionnement de l’affichage par Métrobus ». « La convention en vertu de laquelle Métrobus assure l’exploitation publicitaire des réseaux de la RATP prohibe toute publicité présentant un caractère politique ou confessionnel, conformément à l’obligation de neutralité du Service public. Dans ces conditions, la RATP et sa régie publicitaire ne peuvent prendre parti dans un conflit de quelque nature qu’il soit, même si elles ne sous-estiment pas l’émotion que suscite la situation dramatique des Chrétiens d’Orient », poursuit le communiqué.
Incompréhension
Après l’affaire Gleeden, dont les affiches avaient suscité la fronde d’une partie des catholiques, cette décision a choqué certains internautes, étonnés de voir la RATP faire la « promotion de l’adultère » et refuser « une campagne pour les chrétiens d’Orient ». « Je ne comprends pas, ces affiches n’étaient pas agressives, sans prosélytisme, alors que les chrétiens d’Orient sont en train de se faire massacrer dans cette région du monde », souligne l’archevêque de Gap, contacté par La Vie.
À ses yeux, le refus de la RATP de voir évoqués les chrétiens d’Orient pose une question récurrente : « Comment trouver l’équilibre entre liberté d’expression et laïcité ? » « Les chrétiens peuvent se faire insulter mais ne peuvent pas mentionner leur foi ? », s’interroge-t-il, très remonté.
Ce refus est d’autant plus étonnant que la France s’est placée à la pointe du combat en faveur des chrétiens d’Orient. Vendredi dernier, à l’appel de Paris, le Conseil de sécurité des Nations unies s’est réuni pour se pencher sur le sort des minorités au Moyen-Orient. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, s’est lui-même exprimé plusieurs fois sur le sujet, s’engageant à poursuivre la tradition française de protection des chrétiens dans la région.
Le député Joël Giraud (Parti radical de gauche) n’a d’ailleurs par tardé à réagir, en remettant un courrier au Premier ministre, au ministre de l’intérieur et à la ministre des Transports afin qu’ils demandent à la RATP de revenir sur ce refus. En 2012, la régie publicitaire de la compagnie avait déjà fait parler d’elle en refusant une campagne d’affichage contre l’islamophobie en raison du « caractère confessionnel des visuels ».
La Vie