Plus d’un an après l’affaire des Pussy Riot, la chambre basse du Parlement russe a voté mardi 11 juin une loi destinée à réprimer les atteintes aux « sentiments religieux des croyants ».
C’est à une écrasante majorité que la chambre basse du Parlement russe a adopté mardi une loi renforçant la répression des atteintes aux sentiments religieux. Voté en troisième lecture à la Douma, le texte a été approuvé par 308 députés. Seuls deux d’entre eux s’y sont opposés. Conséquence de la retentissante « prière punk » anti-Poutine entonnée par les jeunes femmes du groupe Pussy Riot dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou en 2012, cette loi entend réprimer les « actes publics exprimant un irrespect à l’égard de la société dans le but d’offenser les sentiments religieux des croyants ». Les contrevenants encourent une amende allant jusqu’à 300 000 roubles (7 500 €) ou 240 heures de travaux d’intérêt général.
Soutenu par la population
Vivement contesté dans les milieux intellectuels critiques de la politique de Vladimir Poutine, ce durcissement législatif est cependant soutenu par une large part de la population, même si certains regrettent l’absence de débat. « La Russie connaît depuis vingt ans un climat de renouveau spirituel et l’action des Pussy Riot a heurté de nombreux croyants, explique un responsable religieux, joint sur place. Après avoir enduré soixante-dix ans d’athéisme d’État, les Russes sont sensibles au respect du sacré. »
Pour lui, cette loi reflète aussi l’alliance étroite entre l’État et le Patriarcat de Moscou, dans une Russie post-soviétique où les autorités cherchent à restaurer des valeurs morales parmi la jeunesse. À partir de la perestroïka, les repères qui unissaient la population ont volé en éclats, et l’Église orthodoxe apparaît aujourd’hui aux yeux des dirigeants comme un ciment à même de reconstituer l’identité collective. « Cette loi s’inscrit dans un vaste programme social et politique », analyse ce responsable chrétien.
Cette connivence se double d’une certaine ambivalence au sein de la société russe, marquée par un fond anticlérical. Beaucoup redoutent une cléricalisation de la société. Certains fonctionnaires restent méfiants : ainsi, trois ans après son adoption, la loi de restitution des biens religieux est timidement appliquée. Le procès des Pussy Riot a accentué ce clivage, même si la majorité réprouve leur provocation. Selon un sondage récent, plus de la moitié des Russes (56 %) estiment que la peine de deux ans de camp infligée aux jeunes femmes est « appropriée », contre 26 % qui la jugent « excessive ».
Source : La Croix