Le Maroc crée un département de recherche sur les religions

Prestigieuse institution de recherche sur l’islam, la Rabita Mohammedia des oulémas de Rabat comptera désormais un centre de recherches en relations interreligieuses.

► En quoi consiste ce centre ?

« Poser ensemble pour la photo de famille, c’est bien, mais aujourd’hui le dialogue interreligieux doit aller beaucoup plus loin. ». Un Centre de recherches et de formation en relations interreligieuses a été inauguré mercredi 24 février à Rabat, au Maroc.

Selon sa directrice, Aïcha Haddou, chercheuse belgo-marocaine, ce centre promet d’être un laboratoire d’un genre nouveau : « Il aurait été plus facile d’imaginer un centre d’études comparées des religions, faisant appel à des chercheurs musulmans. Nous avons à l’inverse voulu créer un lieu où coopèrent des spécialistes de toutes les religions. Parce qu’aujourd’hui, nous devons travailler ensemble, non pas pour unifier nos visions mais pour en faire émerger quelque chose de commun, et identifier ce qui, dans nos différentes conceptions, peut entraver la compréhension mutuelle ».

 

► Quel est le contexte ?

Fait notable, le centre est affilié à la prestigieuse Rabita des oulémas, institution officielle de recherche sur l’islam. L’événement confirme la volonté du Maroc de s’afficher en défenseur d’un « islam du juste milieu », « rempart contre l’extrémisme ».

À Rabat, un centre de formation des imams géré par le Ministère des habous et des affaires islamiques accueille depuis un an des jeunes du Maroc mais aussi d’Afrique et d’Europe. La Rabita a lancé en septembre une plate-forme numérique pour promouvoir « la modération et la tolérance ».

Et le roi Mohammed VI a, fin janvier, en préambule de la conférence internationale de Marrakech sur les droits des minorités religieuses, affirmé la nécessité, face aux « crises qui menacent l’humanité », d’une « coopération entre les adeptes de toutes les religions ». Le Maroc, qui a un long vécu de coexistence pacifique entre musulmans, juifs et chrétiens, a pour lui un rôle décisif à jouer en la matière.

 

► Quel avenir ?

Lors du colloque, dédié à « La reconnaissance mutuelle à l’épreuve de l’interreligieux », les représentants des principales religions ont expliqué l’importance de celle-ci dans leur tradition respective, en particulier face au défi de l’extrémisme.

Mgr Vincent Landel, archevêque de Rabat, a cité le pape François qui – dans l’encyclique Evangelii gaudium – fait du dialogue interreligieux « une condition nécessaire pour la paix dans le monde, et par conséquent est un devoir pour les chrétiens, comme pour les autres communautés religieuses ».

Tous ont insisté sur l’idée que la reconnaissance mutuelle ne passe pas seulement par une posture intellectuelle de tolérance mais aussi par une ouverture à l’autre. « La reconnaissance mutuelle implique de la part de chacun un réel décentrage par rapport à ses propres traditions, résume Aïcha Haddou. Dialoguer, c’est oser le courage de la rencontre et de la transformation. »

Le centre s’est donné pour mission de contribuer à la diffusion d’un savoir documenté concernant les religions, d’investir le champ de la formation intra- et interreligieuse, ainsi que celui de l’éducation à la diversité, d’encourager l’émergence de projets collaboratifs entre diverses confessions au sein de la société civile…

Il a prévu de lancer dès l’année prochaine une formation académique sur l’interreligieux, et devrait organiser le « Sommet des consciences » en marge de la COP22, qui aura lieu en décembre à Marrakech. « L’écologie est bien un domaine nous avons tout à faire ensemble, où il faut construire une réflexion commune en transcendant les particularismes », estime Aïcha Haddou.

 

La Croix

F. Achouri

Sociologue.

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