Sur la ligne de crête de la « prudence positive », la diplomatie vaticane s’attache à panser les plaies de tous et à préparer l’avenir. Le pape a renouvelé, mercredi 5 juin, devant les organismes caritatifs catholiques de la région, son appel au dialogue et à la fin des combats.
Quelles ont été les démarches réalisées par le Saint-Siège pour la paix en Syrie ?
Au cours du Synode d’octobre 2012 sur la nouvelle évangélisation, une délégation cardinalice avait tenté de se rendre à Damas. Devant les risques d’instrumentalisation, soulignés par la secrétairerie d’État, le projet ne s’était finalement pas concrétisé. En lieu et place, le cardinal guinéen Robert Sarah, président du Conseil pontifical « Cor unum », s’était rendu aux confins libano-syriens pour manifester aux civils victimes du conflit la solidarité du pape et de tous les catholiques.
Plus récemment, le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, vient de sillonner la région durant deux semaines. Une visite pastorale aux accents diplomatiques souvent internes à l’Église. Comme l’admet Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient, « il y a des chrétiens de part et d’autre, et Rome tente d’aider les évêques à ne pas se positionner sur le plan politique mais spirituel, sauf en présence de violences inadmissibles ».
En toile de fond, le Saint-Siège est conscient que ce nouvel épisode de l’affrontement multiséculaire entre musulmans chiites et sunnites risque de perturber les fragiles équilibres démographiques et politiques de la région, secouée par la croissance fulgurante du nombre des centaines de milliers de réfugiés désormais hors de Syrie. L’hémorragie des chrétiens d’Orient s’en trouve accélérée.
Quels sont les fondements de la position du Saint-Siège ?
Ils ont été affirmés à maintes reprises, notamment depuis le Synode sur le Moyen-Orient en octobre 2010 : tout faire pour maintenir le dialogue entre les factions, lutter pour l’égalité des statuts de tous les citoyens dans la construction des futures démocraties moyen-orientales, et appuyer le maintien sur place des communautés chrétiennes « là où elles ont été plantées ».
Joseph Farah, président de Caritas Moyen-Orient, présent à Rome pour la réunion de coordination des organisations caritatives catholiques intervenant en Syrie et alentour, se félicite de la position du Saint-Siège, dont il souligne la « prudence positive » : « Le Saint-Siège ne prend pas position. Il défend les droits de l’homme, condamne toutes les exactions, en étant conscient que l’orchestre des chrétiens du Moyen-Orient n’est pas toujours sans cacophonie. »
Quel est l’accent particulier porté par le pape François ?
C’est sur un ton très personnel que le pape François a choisi, mercredi 5 juin, de s’engager pour la paix en Syrie (lire ci-dessous). S’adressant aux organisations humanitaires catholiques engagées en Syrie et dans les pays voisins (qui coordonnent plus de 25 millions d’euros d’aide à destination de 450 000 personnes), il a situé son action dans la continuité de la diplomatie vaticane, rappelant les nombreux appels de son prédécesseur « pour que se taisent les armes et parvenir à une réconciliation en profondeur ». Lui-même, le jour de Pâques, il avait demandé la paix « pour la Syrie bien-aimée ».
Pour la diplomatie vaticane, un tel engagement ne peut qu’être prudent. Nulle trace, dans l’appel du pape, des deux évêques orthodoxes enlevés depuis le 23 avril, ni aucune désignation des exactions commises soit par le régime, soit par les opposants. Le Vatican a été échaudé par certaines prises de position des Églises orientales catholiques locales en faveur du régime du président Assad, qui avait stabilisé en leur faveur un régime juridique et financier sans équivalent dans la région, aussi bien que par des ralliements explicites d’autres responsables catholiques aux forces d’opposition syrienne. Le Saint-Siège se tient donc sur une ligne de crête, décrite par Mgr Giovanni Pietro Dal Toso, secrétaire du Conseil pontifical « Cor Unum » : « Soutenir et coordonner les aides humanitaires, et manifester la présence du pape aux côtés de la population, pour qu’elle ne se sente pas abandonnée. » « Nous n’avons pas d’avis politique. Le salut de tous sera dans le dialogue », confirme Joseph Farah au nom des Caritas du Moyen-Orient. Obtenir l’arrêt des combats, prendre en compte le sort des réfugiés, faciliter l’accès des organisations humanitaires et l’ouverture sans préalable de négociations, sont considérés à Rome comme les piliers indispensables à la construction d’un avenir pour tous en Syrie.
Source : La Croix