Cette année, le mois de jeûne du Ramadan débutera fin févier. C’est une période où le religieux n’est pas à la marge du travail, il est dans le travail. Un espace où l’émergence d’un pouvoir social transcendant échappe au management. Certaines entreprises ont le sentiment de s’adapter au rythme des salariés musulmans durant le mois de jeûne, ce qui confère à l’islam une dimension politique avec une exacerbation du fait religieux. Des adaptations sous forme d’accommodements raisonnables qui ne vont pas toujours de soi dans un contexte où le religieux est effacé dans la société française. Que répondre aux uns, perturbés dans leurs convictions, et aux autres, discriminés dans leur identité ?

Des aménagements sont pourtant anticipables par les directions afin d’assurer le bon déroulement de l’activité de l’entreprise en cette période particulière qu’est le Ramadan puisque la date de son début est connue plusieurs mois à l’avance. Faute de quoi, tous les ans, les mêmes problèmes de flexibilité viennent polluer l’organisation, avec des directions embarquées de facto dans une gestion urgente, parfois même calamiteuse, génératrice de tensions plus ou moins dommageables pour le climat social. Car, si dans une grande majorité, les musulmans vivent le mois de jeûne sans bousculer ou désorganiser leur cadre de travail, il arrive aussi parfois qu’il y ait des abus (actes de prosélytisme ou multiplication des arrêts de travail) dont la seule conséquence sera de conduire des employeurs, agacés par les désordres et les surcoûts occasionnés par une minorité, à pénaliser de façon arbitraire les musulmans, déjà ostracisés sur le marché du travail.

Le fait religieux est un fait social, il est le produit d’une volonté et il est déterminé du dehors. Les choses ne peuvent pas être modifiées par un simple décret de volonté, il faut un effort plus ou moins laborieux en fonction des résistances. Comment expliquer les crispations actuelles alors qu’à une époque lointaine et nouvelle d’un point de vue culturel, les directions de l’industrie automobile offraient par exemple des dattes à leur personnel musulman pour ­­la rupture du jeûne ? Aujourd’hui, les musulmans sont souvent accusés de perturber l’organisation. Cette situation ne laisse-t-elle pas plutôt entrevoir que, dans un contexte de fragilité économique, le mouvement d’idées s’est renversé et que les chefs d’entreprise en appellent à l’ordre culturel ? Au nom d’un pseudo ordre culturel (appelons-le comme on voudra) unique dans l’entreprise, le musulman est réduit à l’invisibilité ou condamné à pratiquer, mais de manière « positive ». Toujours est-il que le mois de jeûne du Ramadan, un des cinq piliers de l’islam, reste méconnu auprès des directions et des personnels encadrants. Ignorée, la diversité religieuse finit par se rappeler à l’organisation et lorsque le coût de l’ignorance du fait religieux devient tangible, ce dernier devient un sujet pour les dirigeants.

F. Achouri

Notre expertise s'adresse notamment aux organisations publiques et privées.

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