« Le site de Palmyre ne pourra être restauré dans son état initial »

   L’armée syrienne a repris vendredi 25 mars à Daech la citadelle de Palmyre, qui domine la ville antique, a annoncé une source militaire. Entretien avec Michel al-Maqdissi, ancien directeur adjoint de la direction générale des antiquités et des musées de Syrie (2003-2012).

La Croix : Que sait-on de l’étendue des destructions sur le site de Palmyre ?

Michel al-Maqdissi  : Depuis le mois de mai 2015, l’État islamique a détruit le monument central, à savoir la scène du temple de Bel, la scène du temple de Baalshamin, l’arc de triomphe et plusieurs tombeaux-tours. À cela, il faut ajouter les pillages dont on ne connaît pas l’étendue exacte. Des bustes funéraires identifiés sur les réseaux sociaux se trouvent sur le marché ou entre les mains d’intermédiaires.

Par ailleurs, beaucoup de destructions peuvent intervenir dans la phase actuelle très délicate entre la perte de contrôle de l’État islamique et la prise de contrôle de l’ensemble du site par les forces gouvernementales. Les djihadistes ont miné certains monuments, dont la grande colonnade, et pourraient déclencher des explosions en se retirant. Des affrontements entre les deux camps sont possibles dans la ville antique, sans compter des bombardements par hélicoptères. Tout cela peut provoquer beaucoup de dégâts.

 

Les monuments détruits pourront-ils être restaurés ?

M. al-M. : Ces destructions me semblent irréversibles. Ce n’est pas du tout la même situation qu’à Tombouctou où l’on a pu reconstruire les mausolées. Il sera très difficile, sinon impossible de reconstruire ce qui a été détruit.

Je suis le dernier archéologue à avoir mené des fouilles dans le sanctuaire de Palmyre, en août-septembre 2011, et une reconstruction me semble impossible. Ce serait de la folie car on n’utilisera pas la pierre d’origine, partie en mille morceaux, et on ne dispose pas d’éléments détaillés du bâti. Le résultat ne serait pas satisfaisant et le coût serait exorbitant. Le site peut être nettoyé, mais malheureusement pas restauré dans son état initial.

 

L’Unesco s’est déclarée disposée à se rendre sur place pour une mission d’évaluation des dommages. Qu’en pensez-vous ?

M. al.-M. : Une telle mission d’évaluation est effectivement nécessaire pour faire un état des lieux de l’ensemble du site. Par ailleurs, il faudra commencer à travailler sur un plan de réaménagement et voir ce que l’on peut faire.

La direction des antiquités de Syrie n’a pas les moyens de mener seule une opération d’une telle ampleur sur un site aussi emblématique. Un comité international de grands spécialistes mondiaux devrait lui apporter un soutien avec la liberté et les moyens d’agir immédiatement en évitant les inconvénients d’une institution bureaucratique. Ce processus sera très long et coûtera très cher.

 

La Croix

F. Achouri

Sociologue.

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