Les diocèses s’emparent des questions de bioéthique

Les états généraux de la bioéthique, organisés par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), se déroulent jusqu’à la fin du mois d’avril.

Les diocèses sont nombreux à organiser des conférences et débats pour informer les fidèles des enjeux soulevés par la révision des lois de bioéthique.

Une « prise de conscience » et une « montée en puissance », c’est ainsi que Jean Matos, chargé de mission pour les questions éthiques auprès de Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes (Ille-et-Vilaine), analyse la mobilisation des diocèses français autour des états généraux de la bioéthique. Ce chercheur, doctorant en éthique à la faculté de médecine Paris-Sud, voit le nombre de demandes de conférences « exploser » dans de nombreux diocèses et sillonne la France pour y répondre.

Pourtant, note-t-il, « il n’était pas acquis que les chrétiens se sentent concernés par ces états généraux ». De fait, beaucoup de personnes peuvent se sentir « dépassées » par certains sujets abordés lors de cette consultation précédant la révision des lois de bioéthique, comme le transhumanisme ou l’intelligence artificielle. C’est ce que constate le père Pierre-André Vigouroux, prêtre accompagnateur de la pastorale familiale du diocèse d’Albi (Tarn), qui regrette une « focalisation sur les sujets de la procréation médicalement assistée, de la gestation pour autrui et de la fin de vie ».

Pour éviter ce sentiment de « dépassement » sur des sujets techniques, les évêques français ont mis l’accent sur la formation. « Il faut que chacun, selon son prisme, son métier, sa vie, puisse d’une manière ou d’une autre s’engager dans les états généraux de la bioéthique, afin que ceux-ci ne soient pas laissés aux spécialistes », expliquait le 6 mars devant la presse Mgr Pierre d’Ornellas, chargé de piloter le groupe de travail de la Conférence des évêques de France.

« Beaucoup de personnes ne sont pas suffisamment informées »

Dès le 20 janvier, une journée de formation au Collège des Bernardins (Paris) rassemblait des laïcs d’une cinquantaine de diocèses. Ceux-ci avaient ensuite pour mission de sensibiliser les chrétiens aux questions de bioéthique, mais aussi de solliciter et participer à des rencontres sur le sujet dans leurs régions.

À Poitiers (Vienne), Foucaud et Anne-Sophie du Boisguéheneuc, respectivement neurologue et gériatre, missionnés par leur évêque avec un autre médecin, se sont ainsi rapprochés du responsable de l’espace de réflexion éthique régional en vue d’informer le public dans le cadre de conférences-débats. Ils ont aussi organisé, sous l’égide de la pastorale de la santé, une réunion ainsi qu’une rencontre avec l’aumônerie des étudiants. « Beaucoup de personnes qui devraient se sentir concernées ne sont pas suffisamment informées,constate Anne-Sophie du Boisguéheneuc. Mais, individuellement, elles sont avides de comprendre les enjeux. »

De nombreux diocèses ont sollicité, pour des conférences, des professionnels de santé et spécialistes d’éthique. « Nous n’avons eu pratiquement que des réponses positives de la part de personnes qui n’ont pas toujours un lien avec l’Église », se félicite le père Bruno Cazin, vicaire général du diocèse de Lille qui a organisé plusieurs soirées.

« Nous sensibilisons les paroissiens pour qu’ils contribuent au débat »

Dans certains départements, l’Église a été plus active dans la mise en place d’événements que le Comité consultatif national d’éthique. « Aucune conférence n’a été organisée par le CCNE en Corrèze », souligne ainsi le père Louis Brossollet, vicaire général du diocèse de Tulle, où plusieurs soirées de débat se sont déroulées à l’initiativede l’Église. Dans le Tarn, « beaucoup d’initiatives viennent des paroisses et des mouvements, explique le P. Vigouroux. Au niveau diocésain, nous avons réalisé des fiches à partir de celles proposées par la Conférence des évêques de France. Des paroisses les relaient sur leurs feuilles d’information. »

Ces fiches de réflexion font le point sur une dizaine de thèmes abordés au cours des états généraux. Écrites notamment par le père Brice de Malherbe, codirecteur du département éthique biomédicale du Collège des Bernardins, elles sont largement relayées par les sites Internet des diocèses. Elles ont aussi été reprises par le diocèse de Paris dans un livret de 56 pages, distribué à près de 120 000 exemplaires pour toucher le public le plus large possible, des paroissiens aux parlementaires.

Mais les catholiques participent-ils aux débats organisés par le CCNE ? « Nous sensibilisons les paroissiens pour qu’ils contribuent au débat sur la plateforme Internet des états généraux », explique Jacques Peronneaud, de la fédération des Association familiales catholiques du Var. Cette contribution reste néanmoins difficile à quantifier. « Certes, les conférences que nous organisons sont un processus interne à l’Église, mais elles participent d’une manière ou d’une autre au débat national », estime le père Cazin.

 

La Croix

F. Achouri

Sociologue.

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