À l’instar de la députée européenne Sylvie Goulard, qui est intervenue dans l’hémicycle, ils ne cachent pas leur inquiétude devant la montée de l’euroscepticisme.
Ils souhaitent s’exprimer rapidement, pour défendre l’idéal européen avant le scrutin du mois de mai.
N’attendons pas pour venir au secours de l’Europe ! C’est en substance le message qu’ont délivré plusieurs évêques, mercredi après-midi, dans l’hémicycle Sainte-Bernadette à Lourdes alors qu’ils venaient d’entendre l’exposé enthousiaste de la députée européenne (MoDem), Sylvie Goulard, en faveur du « grand projet européen ». L’Europe a occupé pendant plus de trois heures les travaux de cette Assemblée plénière d’automne, signe de l’importance que les évêques accordent au sujet. Or, aucun d’eux n’ignore que les prochaines élections européennes du 25 mai 2014 risquent d’être marquées par l’expression d’un puissant euroscepticisme.
« Les progrès de l’Europe sont un combat à mener et non un bénéfice à attendre »
« Il nous faut réfléchir dès maintenant à la manière d’apporter notre soutien à l’idéal européen. Lors de notre assemblée, en avril, ce sera beaucoup trop tard et même en janvier, aussi, je le crains », a affirmé le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, avant de préciser qu’il convenait d’expliquer aux électeurs que « les progrès de l’Europe sont un combat à mener et non un bénéfice à attendre ».
Nouveau représentant de la France à la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (Comece), où il siégera pour la première fois la semaine prochaine, Mgr Jean-Pierre Grallet, archevêque de Strasbourg, entend bien relayer l’attente de ses confrères vis-à-vis d’une déclaration commune de la Comece sur les élections, dans les délais les plus brefs. Hier, Mgr Bernard Podvin, porte-parole de la Conférence des évêques de France, indiquait que le prochain Conseil permanent de la CEF déterminerait comment il prend position sur le sujet, par un texte propre ou en relayant le message de la Comece. Quoi qu’il en soit, la teneur de l’intervention des Églises se devine déjà très clairement. Elle peut se résumer par une expression : il y a urgence à défendre l’Europe et à inviter les candidats à « prendre la mesure des enjeux pour sortir de la cour de la récréation franco-française », selon l’expression de Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre.
« Une ingratitude totalement irresponsable à l’égard de l’Europe »
« Nos sociétés occidentales sont en pleine crise d’adolescence, elles manifestent à l’égard de l’Europe une ingratitude totalement irresponsable. Les gouvernements la chargent de tous les maux quand la situation est mauvaise et s’attribuent tous les bénéfices quand tout va bien », martelait encore hier Mgr Jean-Pierre Grallet, qui ne cache pas « l’embarras » des épiscopats européens face à la montée prévisible des votes accordés aux extrêmes de tous bords. Rappelant que « l’Europe fait partie du bagage pastoral de tout évêque français », l’archevêque de Strasbourg estime qu’il faut affirmer sans relâche qu’elle est « un élément essentiel de notre vivre-ensemble ». « L’Europe est un cadre qu’on ne peut remettre en cause, car il nous permet de coexister pacifiquement et dans le respect de nos différences. Cette armature est à distinguer des politiques européennes, parfois trop tatillonnes et pas assez respectueuses des particularismes culturels de chaque pays », précise-t-il.
Est-ce parce qu’elle n’a « ni identité ni visage comme sur les billets de notre monnaie commune », comme l’a indiqué Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, lors du débat dans l’hémicycle, que l’Europe souffre du désamour croissant des populations ? Sûrement, tout comme l’absence de symboles communs ou de fêtes de l’Europe n’aide pas à souder les peuples autour de cet idéal aujourd’hui écorné, ont rappelé les évêques.
« Nous avons oublié l’ambition des pères fondateurs, marqués par le christianisme »
Tous ont été sensibles aux élans volontaristes de l’intervention de Sylvie Goulard, en forme de plaidoyer pour la construction européenne. « Nous nous comportons en consommateurs : “Cette Europe ne me plaît pas ? Je la jette !” Or, nous avons oublié l’ambition des pères fondateurs, marqués par le christianisme – Schumann, Adenauer, De Gasperi : dépasser le cadre national. » Pour la députée européenne, qui craint que les élections du 25 mai ne tournent au « jeu de massacre », il est indispensable de rappeler aux jeunes générations « le chemin parcouru ». Elle l’a illustré en évoquant la prière de saint François : « Là où il y avait la haine, nous avons mis l’amour ; là où était l’offense, nous avons mis le pardon. » Plusieurs évêques ont cependant suggéré un regard historique encore plus large, en redisant combien l’université et les pèlerinages ont aussi façonné l’Europe, bien avant le marché commun.
Soucieux ne pas en demeurer à l’incantation, les évêques ont souhaité à leur tour prendre des initiatives pour incarner la construction européenne. Au-delà de la présence de représentants des épiscopats européens, invités pour chaque Assemblée plénière. « Je rêve que nous nous réunissions une journée par an avec les membres d’une conférence européenne pour nous saisir ensemble d’un thème commun, comme la pauvreté et les migrations, et échanger projets et réflexions », a ainsi suggéré Mgr Éric de Moulins-Beaufort, évêque auxiliaire de Paris.
Source : La Croix