L’Inde est sous tension depuis l’adoption, en décembre 2019, contre la loi discriminatoire sur la citoyenneté. Après des semaines de manifestations anti-gouvernementales, pour certaines réprimées, à travers le pays, les tensions sont montées d’un cran à New Delhi, qui est le théâtre de graves violences, principalement dirigées contre les musulmans depuis le 23 février.
Le bilan humain des violences islamophobes à New Delhi s’est lourdement aggravé, s’établissant désormais à 38 morts en date du jeudi 27 février. Cette flambée de violences qui secouent la capitale indienne depuis le 23 février survient dans une période de fortes tensions intercommunautaires dans le pays, alimentées par l’adoption de la loi discriminatoire sur la citoyenneté en décembre 2019. Celle-ci, qui exclut la possibilité aux réfugiés de confession musulmane – et à eux seuls – issus d’Afghanistan, du Pakistan et du Bangladesh d’obtenir la nationalité indienne, a renforcé les inquiétudes des musulmans d’Inde.
Des centaines de manifestations – dont certaines ont été réprimées par la police –sont organisées depuis des semaines à travers l’Inde pour exiger l’abandon de la loi mais aussi contester la politique du gouvernement, dirigé depuis 2014 par l’ultranationaliste hindou Narendra Modi, qui aggrave la marginalisation des minorités, musulmanes en particulier, au profit de la majorité hindoue.
Des violences ciblées, un bilan humain lourd
C’est dans ce climat délétère, et en pleine visite d’Etat du président américain Donald Trump qui s’est achevée mardi 25 février, que des violences dirigées contre les musulmans ont éclaté dans plusieurs quartiers de New Delhi, où des sit-in contre la loi controversée se tenaient jusqu’ici de façon pacifique.
Des groupuscules ultranationalistes hindous s’en sont pris, dimanche 23 février, aux opposants à la loi avant de diriger leur haine contre des personnes identifiées comme musulmanes. En quatre jours, les violences ont tué au moins 38 personnes – pas toutes musulmanes – selon un bilan officiel des autorités communiqué jeudi 27 février. Plus de 200 personnes ont également été blessées.
Ces violences sont les plus graves jamais survenues ces dernières décennies à New Delhi. Narendra Modi a appelé, mercredi 26 février via Twitter, « (ses) sœurs et frères de Delhi à maintenir en tout temps la paix et la fraternité. Il est important que le calme et la normalité soient rétablis au plus vite ». Un appel au calme qui a bien du mal à se frayer un chemin tant les tensions, que son gouvernement et son parti, le BJP, ont eux-mêmes alimenté, sont fortes.
Tandis que l’Eglise d’Inde a apporté son soutien aux communautés musulmanes touchées, l’Organisation de la coopération islamique (OCI) a condamné « la violence récente et alarmante visant les musulmans d’Inde, qui a entraîné la mort et des blessures de personnes innocentes ainsi que l’incendie et le vandalisme de mosquées et de propriétés appartenant à des musulmans ». Elle a appelé le gouvernement indien à assurer « la sécurité de tous les citoyens musulmans d’Inde ».
Tandis que le silence de Donald Trump est assourdissant, la Commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde (USCIRF) ne s’est pas privée de dénoncer les violences à New Delhi. « Les rapports établissent que la police de New Delhi n’est pas intervenue contre les violentes attaques visant les musulmans et que le gouvernement manque à son devoir de protéger ses citoyens », déplore l’USCIRF, dénonçant la marginalisation accrue des musulmans en Inde, « en violation flagrante des normes internationales des droits de l’homme ». La Commission a appelé les autorités indiennes à prendre « une mesure rapide pour assurer la sécurité de tous les citoyens ».