La ministre de l’Éducation a lancé le débat en déclarant que les établissements scolaires avaient le droit de décider de ne pas tolérer le voile intégral.
Le gouvernement britannique a lancé une nouvelle offensive envers les musulmans en laissant entendre que le voile intégral pourrait ne plus être toléré dans les écoles. La veille, David Cameron avait déjà tenu des propos controversés sur les femmes musulmanes qui ne parlent pas anglais.
Dans un pays qui se targue de sa tolérance et où il est fréquent de croiser des écolières voilées ou des femmes portant le niqab, ces déclarations ont sonné comme une remise en cause du modèle de liberté religieuse qui y est pratiqué. C’est la ministre de l’Éducation Nicky Morgan qui a lancé le débat en estimant mardi que les établissements scolaires avaient le droit de décider de ne pas tolérer le voile intégral, une règle qui devrait s’appliquer aux élèves comme aux enseignants, selon elle.
Pas de loi prévue
« C’est vraiment aux écoles de décider (…), mais quand il s’agit d’enseigner aux jeunes enfants à lire et à écrire, il est très important de voir la bouche du professeur », a estimé sur la BBC la ministre venue présenter un nouveau site internet destiné à aider parents et professeurs à prévenir la radicalisation des adolescents musulmans.
La veille, le Premier ministre conservateur David Cameron s’était aussi dit prêt à soutenir une interdiction du voile intégral dans des lieux comme les tribunaux, aux contrôles aux frontières ou dans les écoles. Mais il n’est pas question, selon lui, de légiférer à ce sujet comme chez le voisin français ou encore de décréter une interdiction générale du voile. « Ce n’est pas la manière dont nous agissons dans ce pays et je ne pense pas que cela serait productif », a-t-il jugé.
Une tactique politicienne ?
Pourtant, son intervention et celle de sa ministre ont été interprétées comme une invitation plus large aux hôpitaux, aux mairies et à la police d’imposer des codes vestimentaires plus stricts, qui excluraient le port du voile, selon les médias britanniques. « C’est un pas dans la bonne direction », a commenté le député conservateur Philip Hollobone, qui avait essayé de faire passer une loi interdisant le voile dans les lieux publics lors du premier gouvernement Cameron (2010-2015).
« Je ne veux pas vivre dans un pays où les policières sont voilées, où les présentatrices du journal télévisé sont voilées, où les médecins et les infirmières sont voilées », a-t-il déclaré mardi au quotidien Daily Telegraph, soulignant qu’il n’est pas le seul député conservateur affichant cette position. Dans le camp musulman en revanche, beaucoup estiment que le débat n’a pas lieu d’être et relève davantage de la tactique politicienne dans un contexte de menace terroriste par des groupes islamistes.
Parler davantage anglais
« Est-ce que les femmes musulmanes doivent prouver leur identité dans un aéroport ou un tribunal ? Oui, absolument. Le font-elles ? Oui, cela n’a jamais été un problème », a déclaré à l’Agence France-Presse Mohammed Shafiq, le directeur de la Fondation Ramadhan qui milite pour de meilleures relations inter-communautaires. Selon lui, le gouvernement prend sciemment « pour cible les musulmans », leur faisant mauvaise presse sans faire avancer la lutte antiterroriste.
« Nous sommes d’accord que nous avons un problème avec l’extrémisme, la radicalisation et le fait que des gens rejoignent le groupe État islamique, mais ce sont ces questions que nous devons régler, pas les questions mineures », a-t-il ajouté. Lundi, le Conseil des musulmans du Royaume-Uni (MCB) avait également regretté l’amalgame fait entre parler anglais pour les femmes musulmanes et le terrorisme.
« L’objectif du Premier ministre de voir l’anglais davantage parlé pour une meilleure intégration échouera s’il lie cette problématique à des questions de sécurité ou s’il vise les femmes musulmanes », avait déclaré son secrétaire général Shuja Shafi. David Cameron avait menacé d’expulsion les femmes musulmanes qui ne parlent pas suffisamment l’anglais et estimé que la non-maîtrise de la langue nationale pouvait les rendre plus vulnérables aux messages des groupes extrémistes.
Le Point