Le jésuite Bernard Sesboüé qui vient de mourir à l’âge de 92 ans est un grand théologien catholique qui a écrit une quarantaine d’ouvrages fondamentaux sur les différents aspects de la foi, notamment les dogmes et la christologie. En plus de ces registres, c’était un homme qui a abordé pratiquement tous les domaines de la théologie à l’image d’un Hans Küng en Allemagne. Parmi ces livres, nous en retiendrons trois qui sont des sortes de manuels qui ont leur place dans les ouvrages de base d’une bibliothèque de théologie.
Le caractère encyclopédique de son travail l’a conduit à s’engager dans les relations œcuméniques. Il a été membre du groupe des Dombes pendant plus de 40 ans et a participé à diverses commissions officielles de dialogue œcuménique en France et au plan international. Cela l’a conduit à écrire un Pour une théologie œcuménique (Cerf, 1990) dans laquelle il insiste sur les conditions historiques qui ont provoqué la Réforme : au XVIe siècle il souligne que l’Église catholique était dans un piteux état. De nos jours, les conditions ont changé et il souligne que la réconciliation des Églises ne peut être que le fruit d’une conversion.
Voix intérieure
Son livre Croire, invitation à la foi catholique pour les hommes et les femmes du XXIe siècle (Mame Desclée 2003) est une sorte de catéchisme pour adulte dans une présentation de la foi compréhensible et crédible pour notre temps. Comme exemple de sa démarche pour rendre accessible la notion de conscience, il prend l’image d’un jeune homme en train d’écrire à sa fiancée. Il veut lui faire partager les sentiments profonds qui sont en lui mais il n’arrive pas à les décrire. Il a toujours le sentiment que ses mots expriment mal ce qu’il ressent. Il essaye alors de jouer au poète, mais c’est encore pire, ses vers sont ridicules. Ce qui est dit là du jeune homme devant sa lettre peut l’être du peintre devant son tableau, du scientifique devant son expérience, du musicien devant sa partition. La conscience s’inscrit dans l’inadéquation entre l’intention et la réalisation, elle est cette voix intérieure qui nous dit que nous sommes plus que ce que nous faisons.
Enfin, il faut évoquer sa monumentale Histoire des dogmes en quatre volumes et plus de 2500 pages (Mame, Desclée) qui revisite l’ensemble des dogmes chrétiens en insistant sur les conditions historiques de leur apparition. Pour prendre un exemple sur la question des dogmes mariaux qui sont questionnés par les protestants, il écrit “qu’ils n’appartiennent pas au centre de la foi, mais qu’ils sont des conséquences de l’incarnation du Seigneur”. Il montre que la théologie a procédé à une hellénisation du langage de la foi pour la rendre accessible au langage de son époque. Nous trouvons une sorte de résumé de son travail en 200 pages dans son Introduction à la théologie (Salvator, 2017).
Bernard Sesboüé était une figure majeure du paysage théologique qui nous aide à être plus intelligents dans notre compréhension de la foi.
Revue Réforme