Au moins 118 personnes ont été tuées mardi et 56 autres blessées dans un double attentat sur un marché de Jos dans le centre du Nigeria, où les violences meurtrières s’enchaînent malgré la mobilisation internationale contre le groupe islamiste armé Boko Haram. « Le nombre de cadavres est actuellement de 118 », a déclaré à l’AFP Mohammed Abdulsalam, coordinateur de l’Agence nationale de gestion des crises (Nema) tout en estimant qu’il pourrait « y avoir plus de cadavres dans les décombres » causés par les explosions.
Cinquante-six personnes ont été blessées dans le double attentat, a précisé Mohammed Abdulsalam. Le commissaire de police Chris Olakpe, de l’État du Plateau, dont Jos est la capitale, avait auparavant fait état de « 46 tués et de 45 personnes grièvement blessées ». Selon un porte-parole du gouverneur, Pam Ayuba, les victimes sont « en majorité des femmes ».
La première explosion, due à un camion piégé, est survenue vers 15 heures, heure locale, sur le marché New Abuja. Une vingtaine de minutes après, un minibus piégé explosait à son tour, prenant au piège des membres des équipes de secours qui s’efforçaient d’accéder aux victimes.
Sous le feu des critiques pour sa lenteur et son manque d’initiative dans cette période de tourmente, le président nigérian Goodluck Jonathan a rapidement condamné ces attentats, « une attaque tragique contre la liberté humaine » perpétrée par des hommes « cruels et diaboliques ». « Le gouvernement reste entièrement engagé pour gagner la guerre contre le terrorisme », a souligné la présidence.
Attaques non revendiquées
L’État du Plateau marque la limite entre le sud chrétien et le nord majoritairement musulman du pays le plus peuplé d’Afrique, première puissance économique du continent. L’État du Plateau et sa capitale Jos ont été par le passé le théâtre de violences inter communautaires meurtrières tout comme d’attaques de Boko Haram.
Le double attentat de mardi, après une attaque-suicide dimanche à Kano, la grande ville du Nord, qui a fait quatre morts, ne sont pas de nature à rassurer les Nigérians, déjà ulcérés par l’incapacité du pouvoir à sauver quelque 200 lycéennes enlevées mi-avril à Chibok (nord-est) par l’insurrection islamiste. Toutefois, aucune de ces dernières attaques n’a été revendiquée, et les autorités n’ont pas désigné de responsables pour l’heure.
La police a indiqué mardi avoir arrêté deux suspects après l’attentat de Kano, survenu dans un quartier majoritairement chrétien aux nombreux bars et restaurants. En un mois, deux attentats à la voiture piégée ont fait près d’une centaine de morts à Abuja, la capitale fédérale (à 300 km au sud-ouest de Jos). Le premier a été revendiqué par Boko Haram, engagé dans des actions sanglantes depuis 2009.
État d’urgence prolongé
C’est dans ce contexte d’intensification des violences de Boko Haram que le président Jonathan avait demandé la prolongation de l’état d’urgence dans les États de Yobe, Adamawa et Borno (nord-est), fief des islamistes armés. En vigueur depuis un an, cette mesure a été votée mardi par les sénateurs à l’unanimité, comme l’avaient fait les députés la semaine dernière.
C’est dans l’État de Borno que le groupe islamiste a enlevé les lycéennes, dont le sort a suscité une vaste mobilisation internationale. Si, dans un premier temps, l’état d’urgence, accompagné d’une vaste offensive militaire, avait semblé porter ses fruits, nombre d’observateurs jugent aujourd’hui la mesure inefficace, et d’abord symbolique.
Les attaques de Boko Haram se sont finalement accrues, devenant quasi quotidiennes, prenant de plus en plus pour cible les civils et s’étendant ces dernières semaines à Abuja et Kano. Depuis le début de l’année, les attaques ont fait plus de 2 000 morts, en majorité des civils.
Face à l’immense émotion causée par le rapt des jeunes filles kidnappées dans leur internat de Chibok, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et Israël ont envoyé des experts et des moyens matériels pour aider à les retrouver.
« Opération militaire totale »
Le Pentagone a indiqué lundi que les États-Unis et le Nigeria étaient parvenus le week-end dernier à un accord sur le partage de renseignements collectés lors de vols de surveillance d’avions et de drones américains au-dessus du nord-est du Nigeria. De son côté, la police nigériane a annoncé un « audit de sécurité » dans tous les internats du pays pour tenter d’éviter un nouveau drame.
En votant la prolongation de l’état d’urgence, les sénateurs ont également demandé « qu’une opération militaire totale soit menée de manière prolongée pour défaire les insurgés ». Ils ont toutefois semblé conscients de la nécessité de promouvoir le développement dans le Nord-Est pour parer à la radicalisation des jeunes dans ces régions défavorisées.
« Le gouvernement fédéral, en conjonction avec le gouvernement étatique, devrait proposer un plan de développement économique du type Plan Marshall pour relancer l’économie dans les États concernés », ont plaidé les élus. Samedi, lors d’un sommet à Paris, le Nigeria et ses voisins – Bénin, Cameroun, Niger et Tchad – ont promis d’améliorer leur coopération, y compris par des échanges de renseignements, dans la lutte contre le groupe islamiste, qui menace la stabilité de la région.
Abuja en appelle aussi aux Nations unies. Le Nigeria a demandé officiellement au Conseil de sécurité de l’ONU d’ajouter Boko Haram à une liste d’organisations considérées comme terroristes et soumises à des sanctions en raison de leurs liens avec al-Qaida.
AFP