Des maisons de familles chiites attaquées dans le village Abu Muslam, à une trentaine de kilomètres du Caire.
Au moins quatre Égyptiens ont été lynchés à mort, car ils étaient des musulmans chiites. Cette macabre histoire n’est pas tirée d’un récit médiéval, mais bien de faits réels survenus dimanche 23 juin dans un petit village du gouvernorat de Gizeh, Abu Mussalem.
Le modus operandi rappelle les mises à mort publiques qui essaiment dans le pays depuis plusieurs mois. Une foule en colère s’acharne sauvagement sur les victimes de la vindicte populaire. Traînés par les pieds dans les ruelles terreuses, tabassés, violés, suspendus à une poutre… la mise à mort est d’une ineffable brutalité. Ni clémence, ni miséricorde.
Dimanche 23 juin, des centaines d’habitants attaquent les maisons des familles chiites qui résident dans le village Abu Mussalem. Au moins quatre chiites, dont l’un des plus célèbres cheikhs égyptiens Hassan Shehata, ont trouvé la mort au cours de cette journée.
A l’occasion de la 15e nuit de Shaaban, une nuit sainte pour tous les musulmans, le cheikh avait prévu de rendre visite à quelques familles du village, rapporte le site d’information Al- Ahram Online.
Accusé de prosélytisme, Hassan Shehata, emprisonné plusieurs fois sous l’ère Moubarak, a été tué. Son corps, traîné dans la poussière. De nombreux cheikhs salafistes l’accusent de propager le chiisme en Egypte qui, rappelons le, est un pays majoritairement sunnite. Les chiites représenteraient quelques millions de fidèles. Un chiffre difficilement vérifiable car la religion chiite n’est pas reconnue par l’État égyptien. Aux yeux de certains salafistes, le chiisme prône la débauche, la vénération des saints, l’outrance…
«Pendant trois semaines, les cheikhs salafistes dans le village ont attaqué les chiites. Ils leurs reprochent d’être des infidèles et de diffuser la débauche», raconte Hazem Barakat, un témoin oculaire et photojournaliste.
«Les médias égyptiens publient de fausses histoires sur les chiites, les dépeignant comme des méchants qui travaillent pour le compte de l’Iran», déplore le militant chiite Ahmed Rassam El-Nafis.
Le tableau est très inquiétant. En arrière-plan de cette sordide affaire, se dessine l’incapacité du gouvernement à enrayer cette justice extra-légale. Encore une fois, la police est arrivée trop tard et n’a pu empêcher le bain de sang.
«Nous tenons le président Morsi responsable de cette attaque, lâche Bahaa Anwar, un activiste chiite. Il n’y a pas moins de trois millions de chiites qui vivent en Egypte et samedi dernier lors de la conférence de solidarité pour la Syrie, les cheikhs salafistes ont attisé la haine contre les citoyens chiites égyptiens.»
Du côté du parti salafiste al-Nour, le positionnement reste ambigüe. Son porte-parole Nader Bakkar a condamné les violences survenues dans le village Abou Mussalem sur son compte twitter. Selon lui, la loi doit s’appliquer pour régler cette division confessionnelle ( fitna).
Interrogé sur la diffusion d’affiches hostiles aux chiites, Ramy Hawa, porte-parole en France du parti al-Nour, déclare que son parti met en garde, «seulement». «Mais nous ne dépassons pas les lois et les autorités», ajoute-t-il.
Les cheikhs salafistes, dont la sainte parole pullule sur les chaînes satellitaires, sont tenus responsables de cette chasse à tout ce qui ne relève pas de leur chapelle: l’islam sunnite rigoriste. Certains verront dans ce lynchage public, l’une des manifestations de la rivalité sunnite-chiite dans la région, notamment en Syrie. Il est trop tôt pour le dire.
Source : Slate Afrique