Robert Ménard entendu par la police sur le « fichage » des écoliers de Béziers

   L'élu a déclaré qu'il réservait à la justice la genèse du calcul qui lui a permis d'affirmer que « 64,6 % » des écoliers étaient de confusion musulmane.La réponse judiciaire n’a pas tardé, mardi 5 mai, après les déclarations de Robert Ménard sur l’existence de statistiques ethniques concernant les enfants scolarisés qui pourraient être de confession musulmane.

Dans la nuit de mardi à mercredi, une source judiciaire a annoncé à l’AFP que le maire de Béziers serait entendu mercredi par la SRPJ, le service régional de police judiciaire à Montpellier, dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte par le procureur de Béziers pour « tenue illégale de fichiers en raison de l’origine ethnique ». Mardi après-midi, quatre policiers ont mené une perquisition à la mairie.

  • Acte 1. Lundi soir sur France 2 : « les prénoms disent les confessions »

Dans un numéro de l’émission « Mots croisés » consacré aux querelles au sein du Front national, Robert Ménard donne un pourcentage du nombre d’enfants dans les écoles musulmanes de sa ville. Sur Twitter, un téléspectateur s’interroge :

« Robert Ménard dit qu’il y a 64,6 % d’enfants de confession musulmane à Béziers. Mais il les tient d’où, ces statistiques ? »

La question est reprise par un chroniqueur de l’émission, et l’élu répond sans mégoter :

« Ce sont les chiffres de ma mairie. Pardon de vous dire que le maire a les noms, classe par classe, des enfants. Je sais que je n’ai pas le droit, mais on le fait. »

Il ajoute, pour expliquer la méthode :

« Les prénoms disent les confessions. Dire l’inverse, c’est nier une évidence. »

Mardi, la mairie fait finalement volte-face : dans la matinée, sur un compte Facebook, elle dément avoir constitué un quelconque « fichier des enfants scolarisés dans les écoles publiques de la ville », affirmant que le seul qui existe est celui « recensant les élèves des écoles publiques de la ville » dressé par « l’éducation nationale ».

En fin de journée, lors d’une conférence de presse, Robert Ménard a repris cet argumentaire pour nier l’existence de tout « fichage » des enfants scolarisés, sans toutefois revenir sur le fait qu’un comptage des écoliers en fonction d’une origine culturelle supposée a été effectué par la mairie. Il a précisé qu’il réservait à la justice les explications sur sa méthode. La polémique a échauffé les esprits dans la soirée à Béziers, où se tenait un conseil municipal.

  •  Acte 2. La réaction politique

Ces révélations ont provoqué de vives réactions sur les réseaux sociaux dans la nuit et la matinée, et notamment de Sébastien Denaja, député socialiste de l’Hérault, qui a appelé le « procureur de Béziers [à] ouvrir une enquête après les déclarations de Robert Ménard ».

Mardi dans l’après-midi, à l’Assemblée nationale, Manuel Valls a vilipendé « la réalité de l’extrême droite », tandis que le président François Hollande, en voyage en Arabie saoudite, a jugé que « le fichage d’élèves » est « contraire à toutes les valeurs de la République ».

Deux membres du conseil national du Parti socialiste ont également annoncé avoir saisi la CNIL et le défenseur des droits dans cette affaire. Mardi soir, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a dénoncé une « nouvelle forme » d’islamophobie et demandé des poursuites judiciaires à l’encontre de Robert Ménard.

Florian Philippot, vice-président du Front national, parti dont M. Ménard est proche, a dénoncé une « polémique totalement vaine », affirmant qu’« on lui fait un mauvais procès ». « Il a consulté des prénoms dans un registre d’école dans une optique de lutte contre le communautarisme », a-t-il affirmé pour justifier les faits.

  • Acte 3. Ouverture d’une enquête, perquisitions à la mairie

Dès la mi-journée, mardi, le procureur de la République de Béziers a annoncé l’ouverture d’une enquête concernant des faits qui, s’ils sont avérés, sont illégaux en vertu de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « loi informatique et libertés ». Des perquisitions ont suivi au cours de l’après-midi à la mairie, Robert Ménard sera entendu par la police mercredi.

Selon la loi, le traitement de données « relatives aux origines des personnes » est en effet interdit, au nom de l’égalité de traitement des citoyens garantie par la Constitution française. L’article 8 de la loi de 1978 spécifie ainsi :

« Il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci. »

Des faits passibles de cinq ans de prison et jusqu’à 300 000 euros d’amende. La CNIL peut également sanctionner les responsables de ce genre de fichiers délictueux par des amendes.

 
Le Monde.fr

F. Achouri

Sociologue.

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