Structurer l’islam de France : l’exécutif entre dans le concret

Soucieux de mieux structurer l’islam de France, l’exécutif envisage de revoir le droit des cultes sans toucher aux grands principes de la loi de 1905.

Lundi 5 novembre, les ministres de la justice et de l’intérieur ont annoncé que le gouvernement va entamer une consultation des représentants des cultes.

Le président Emmanuel Macron s’est engagé à donner au culte musulman les moyens de prendre sa place en France tout en exigeant de ses instances plus de transparence et d’indépendance vis-à-vis des puissances étrangères.

Après s’être donné le temps de la réflexion, sur ce sujet juridiquement complexe et politiquement sensible, l’exécutif s’apprête à entrer dans le concret. Le gouvernement commencera à consulter les représentants des cultes « dès la semaine prochaine », ont annoncé lundi 5 novembre les ministres de la justice et de l’intérieur.

Ils étaient interrogés à la suite de la publication, le matin même, d’un article de l’Opinion évoquant un « projet de texte » du gouvernement qui envisagerait un toilettage de la loi de 1905. Il ne s’agirait pas de toucher aux grands équilibres de ce texte historique qui consacre la liberté de conscience et la séparation des Églises et de l’État, mais de revoir le régime des cultes pour clarifier l’organisation et le financement de l’islam.

Un texte au parlement début 2019

« Il ne s’agit pas de réécrire la loi de 1905 », a expliqué sur France Inter la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, en précisant : « Elle a été tant de fois (amendée), il est possible qu’elle le soit à nouveau ». « Les réflexions sont en cours » et des consultations doivent être engagées « dès la semaine prochaine avec l’ensemble des représentants des cultes », a expliqué de son côté le ministre de l’intérieur Christophe Castaner.

L’avant-projet de loi dévoilé par l’Opinion est « un document de réflexion (…), rien d’autre que cela » a-t-il prévenu. Ce texte a été conçu pour préparer un projet de loi qui pourrait être « déposé au Parlement début 2019 », selon le journal.

Avantages fiscaux

Deux grandes catégories d’association permettent aux cultes de s’organiser : les associations loi 1901 et les associations cultuelles créées par la loi de 1905. Ces dernières ont droit à un certain nombre d’avantages fiscaux ou la possibilité de recevoir des dons et legs. Mais en contrepartie, l’objet de ces associations doit être strictement limité au service du culte (financement des bâtiments et des clercs…) et un contrôle administratif s’exerce donc sur la destination de leurs fonds.

Dans les faits, la plupart des communautés de fidèles musulmans optent pour le régime juridique de 1901 qui offre plus de souplesse. Le document cité par l’Opinion envisagerait de promouvoir le modèle associatif 1905 avec à la clé une forme de donnant-donnant : d’un côté plus de contrôle, de l’autre l’ouverture à de nouvelles ressources comme la possibilité de tirer des revenus d’un bien immobilier ou l’accès à des subventions publiques au titre de la rénovation énergétique des lieux de culte.

L’objet des associations 1905 pourrait aussi être un peu élargi : les associations 1905 sont formées pour l’exercice du culte mais aussi « pour le soutien à cet exercice » selon la nouvelle formulation envisagée.

Des dispositions « anti-putsch »

Dans le document cité, le gouvernement prévoirait d’inciter les confessions à recourir au statut 1905. L’association « devra alors passer “par une démarche obligatoire et préalable de reconnaissance” de sa qualité cultuelle auprès du préfet pour “une durée renouvelable de 5 ans” », écrit l’Opinion. Ce « tampon administratif » pourrait lui être retiré en cas de manquement ou d’atteinte à l’ordre public.

L’avant-projet prévoit enfin de muscler la lutte contre les prédicateurs radicaux. Les sanctions en cas d’incitation à ne pas respecter la loi seraient alourdies. Une disposition « anti-putsch » devrait servir de « bouclier juridique » contre les « prises de contrôle inamicales » d’associations par certains prédicateurs.

En 2006, Nicolas Sarkozy n’avait pas donné suite au rapport Machelon qui proposait d’assouplir le régime des associations cultuelles trop contraignant. Emmanuel Macron s’apprête-t-il à faire un choix beaucoup plus radical en imposant un modèle 1905 assoupli tout en renforçant le contrôle des cultes ?

Lors de son allocution télévisée du 16 octobre 2018, Emmanuel Macron avait affirmé que « la reconquête républicaine » passe notamment « par une autre organisation des religions ». Bien des incertitudes devront encore être levées sur les projets de la majorité.

 

La Croix

F. Achouri

Sociologue.

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