En visite pastorale le 5 juillet dans le Molise, une petite région reculée de la Péninsule italienne, le pape François a rencontré employés, jeunes et démunis, axant son message sur le besoin de justice, de retrouver sa dignité par un travail. Il a invité à « perdre du temps avec ses enfants », soulevant la question du travail dominical.
« Peut-être est-ce le moment de se demander si travailler le dimanche est une vraie liberté ». Sous la forme qu’il affectionne d’inviter chacun à s’interroger en conscience, le pape François a soulevé la question du travail dominical au début de sa visite pastorale effectuée le 5 juillet dans le Molise. S’exprimant d’abord dans l’amphithéâtre de l’université de Campobasso, chef-lieu de cette petite région reculée au sud-est de Rome où Jean-Paul II s’était rendu en 1993, le pape a interpellé son auditoire issu du monde du travail sur ce problème, déclenchant des applaudissements.
l’économie n’a pas la priorité sur l’humain
Après avoir écouté, comme lors de ses autres visites pastorales, les témoignages de personnes représentatives de la population locale – ici un agriculteur valorisant ses produits ou une femme enceinte et déjà mère d’une fille de 15 mois cherchant à concilier son travail chez Fiat et sa vie de famille – le pape, aux yeux fatigués, a répondu à leurs préoccupations. « Perdez du temps à jouer avec vos enfants », a-t-il déclaré, comme il a invité à le faire à d’autres occasions pour souligner l’importance de la « gratuité ». Dans ce contexte, il a mis en avant « le dimanche sans travail (qui) affirme que l’économie n’a pas la priorité sur l’humain, sur la gratuité et sur les relations non commerciales, sur les relations familiales et amicales, et, pour les croyants, sur la relation avec Dieu et avec la communauté ».
Dignité du travail
Dans une région gravement touchée par le chômage, il a de nouveau fait le lien entre travail et dignité de la personne. « La personne sans travail peut toujours trouver à manger à la Caritas ou dans une autre association (..) mais elle ne peut pas ramener le pain à la maison », a-t-il expliqué pour mettre en avant l’importance de retrouver cette dignité que seul le travail peut offrir. Dans son homélie, prononcée ensuite au cours d’une messe en plein air, toujours à Campobasso, il a insisté sur cette « dignité de la personne humaine au centre de toute perspective et de toute action ».
un pacte pour le travail
À cette fin, le pape François a invité, lors de sa rencontre à l’université, à un « pacte pour le travail » par une concertation de tous : « Tant de postes de travail pourraient être récupérés grâce à une stratégie mise en place avec les autorités nationales qui sache tirer partie des opportunités offertes par les normes nationales et européennes. » L’après-midi, lors d’une rencontre avec environ 20 000 jeunes au sanctuaire régional de Castelpetroso, il a repris ce thème encourageant toutes les parties prenantes à répondre au défi du chômage. « Nous ne devons pas nous résigner à perdre toute une génération qui n’a pas de travail », a-t-il déclaré : « Une génération sans travail, c’est une défaite pour l’humanité. » Dans sa conférence de presse de retour de Terre sainte, le 26 mai, il s’était déjà inquiété du sort de cette génération sans emploi.
Ni rêveurs, ni naïfs
La dernière étape régionale de sa visite, dans la petite ville d’Isernia, fut l’occasion d’un appel renouvelé en ce sens à la « solidarité », mot encore prononcé avec force à plusieurs reprises. Le pape y a aussi repris le thème qui lui est personnellement cher de la miséricorde, qu’il a définie « non pas comme quelque chose de purement dévotionnel, d’intime » mais comme « la prophétie d’un monde nouveau, dans lequel les biens de la terre et du travail sont distribués de manière égale, et personne n’est privé du nécessaire ». « Ce n’est pas une fuite, ni une évasion de la réalité et de ses problèmes », a-t-il poursuivi : « C’est la réponse qui vient de l’Évangile : l’amour comme force de purification des consciences, force de renouvellement des rapports sociaux, force de projection pour une économie différente, qui met la personne, le travail et la famille au centre, plutôt que l’argent et le profit ». « Nous ne sommes ni des rêveurs, ni des naïfs, a-t-il encore insisté, nous ne voulons pas créer des oasis hors du monde »
Avant de quitter Isernia, le pape François a déclaré ouverte l’année jubilaire commémorant son très lointain prédécesseur, Célestin V, élu pape le 5 juillet 1294. Ce pontife est surtout resté dans l’histoire pour être le seul à renoncer au ministère pétrinien jusqu’à Benoît XVI l’an dernier. Le pape a fait une discrète mais explicite référence à cette renonciation dans la prière finale.
Un an après Lampedusa
Sa visite dans le Molise s’est déroulée près d’un an jour pour jour après sa toute première visite pastorale, déjà très sociale : son déplacement éclair sur l’île de Lampedusa auprès des migrants naufragés qui y sont accueillis. Le pape François a fait lire samedi 5 juillet au soir sur l’île un message dans lequel il déplore qu’« à distance d’une année, le problème de l’immigration s’est aggravé. » Il a exprimé sa proximité avec « nos frères et sœurs qui affrontent des voyages exténuants pour fuir des drames, la pauvreté, les guerres, les conflits, souvent liés à des politiques internationales ». À l’encontre de la « logique de l’indifférence », terme faisant écho à la « mondialisation de l’indifférence » dont il s’était inquiété à Lampedusa le 8 juillet, le pape écrit « (se rendre) encore une fois spirituellement au large de la mer Méditerranée pour pleurer avec ceux qui sont dans la douleur et pour jeter des fleurs de la prière (..) pour les femmes, les hommes et les enfants qui sont victimes d’un drame qui semble sans fin ». « J’espère que les institutions compétentes, en particulier au niveau européen, soient plus courageuses et généreuses dans l’aide aux réfugiés », conclut-il.
La Croix